Voilà un spectacle viril. Un comédien, seul en scène, le remarquable Jérôme Pradon, se met à nu. Au propre comme au figuré. C’est du Lucernaire pur jus, entendez «Centre national d’art et d’essai». Essai transformé avec ce «F-X», une pièce pas gaie de Michael Stampe et mise en scène par Christophe Lidon sur le mal-être et comment s’en sortir. Ou tenter de s’en sortir, voire faire semblant de penser pouvoir s’en tirer.
Soit F-X, ses poses à poil devant l’objectif, son site sur la grande toile où il se dévoile et rassemble une foule d’admirateurs. Peut-être y a-t-il aussi des femmes, songe-t-il. Oui, pourquoi pas.
F-X n’est pas une œuvre de peep-show, une tentation de back-room rue aux Ours (certains déjà, d’aise, ferment les yeux). On s’en serait douté, on vous dit que ça se passe rue Notre-Dame des Champs. Jérôme Pradon excelle, pas seulement par son anatomie. Car l’exhibition n’est bien entendu qu’un prétexte. F-X cause, il n’arrête pas, comme pour expliquer, pour justifier son passe-temps, il déballe sa vie. Pif, Paf, enfance morose à Juvisy, père absent, agression sexuelle par le père du copain. Une mère, un frère une sœur et le petit F-X dans 45 m2.
F-X donc se «jette en pâture sur internet». Dès lors, «pas besoin de mettre des mots sur les émotions», et c’est tant mieux. L’homme veut prendre une revanche sur la vie, une vie ne l’ayant pas épargné. Pour mettre de côté sa propre vacuité, il entend pervertir les autres, le monde entier de l’autre côté de l’écran. «Mes photos sont dignes, pas vulgaires», car «les retouches Photoshop, c’est pas fait pour les chiens», lance F-X. A ses yeux, «les types qui se branlent sur mes photos, c’est moi qui les baise». Gloups. Sur place, ça sonne juste, dans la pénombre de la scène, subtilement éclairée par les projecteurs du studio photo.
Le jeu du comédien et une mise en scène en noir et blanc mettent ainsi en valeur un texte cru et émouvant, qui se perd malheureusement en invoquant jusqu’au Caravage et à Michel-Ange. La Chute, qui tient de la queue de poisson, se produit justement au plafond de la Chapelle Sixtine. L’éternité pour un doigt tendu.
Vraiment, la critique est à la hauteur de l’oeuvre.