Comme souvent, la BnF juxtapose des expositions dont le degré de gravité oscille heureusement d’un bord à l’autre. Cela avait été déjà le cas cette année avec la salle dévolue aux cent années d’édition de la maison Gallimard, salle que l’on devait arpenter avec tout le respect convenu. Et juste à côté on pouvait se détendre avec les œuvres plus oxygénées et parfois affriolantes de Richard Prince.
En ce moment c’est un peu la même chose avec d’une part la scénographie théâtrale organisée autour de Casanova et, celle nettement plus enjouée et chargée d’affection vouée à l’artiste Boris Vian. Les visiteurs, nettement plus nombreux dans la seconde, avaient en ce samedi 10 décembre, fait leur choix.
Ces deux expositions sont tellement voisines que ce serait dommage de n’en choisir qu’une. Les deux font cocktail et ont déjà fait l’objet d’une chronique annonciatrice dans Les Soirées de Paris. Mais l’objet rédactionnel du jour se concentrera sur Boris Vian dont la respiration littéraire, le souffle du jazzman, peuvent susciter une nostalgie fondée.
Allez-y pour ce dossier au bleu délavé contenant un «projet de pont métallique» qui rappelle que Vian était un ex-centralien, pour cette belle affiche annonçant la participation de Bill Coleman et de Boris Vian à un concert de jazz, pour ces photos d’Ursula Kübler avec qui il partagera sa vie à partir de 1951, ou pour quelques unes de ses sentences fameuses accrochées sur les murs comme «le désert est la seule chose qui ne puisse être détruit que par construction» ou encore «un homme digne de ce nom ne fuit jamais. Fuir c’est bon pour un robinet».
Les objets emblématiques de la vie d’un homme sont peu ou prou dépositaires d’un bout de son âme. C’est notamment vrai ici avec des affiches de film, des pochettes de disques, des notes manuscrites, des films, son «cor à gidouille», des photos de familles et aussi quelques peintures inédites à la facture quelque peu déroutante.
Vian nous manque oui, qui aurait 91 ans aujourd’hui. Le son de sa trompette, son humour, son sens de l’absurde, une certaine élégance, sa façon particulière d’écorcher le romantisme au scalpel étaient partie prenante de sa signature, de son mode de pensée, de son inscription personnelle dans la vie. La BnF a donc eu la bonne idée de cette reconstitution concentrée en objets, en images, en musiques.
L’exposition dure jusqu’au 15 janvier. Si le cœur vous serre un peu au sortir de ces retrouvailles germanopratines, allez voir Babar l’éléphant à partir du 13 décembre (jusqu’au 29 janvier) à la galerie des donateurs. Babar, le gentleman à trompe venu sur terre pour faire sourire les enfants anxieux.
Merci à toi cher Philippe et à la BnF pour cette invite à une exposition mémorielle et littéraire de grande qualité à laquelle je viens de me rendre in extremis. On la doit à l’acquisition – et à la très astucieuse exploitation – par la Bibliothèque François Mitterrand des très précieux manuscrits autobiographiques de Casanova.
L’exposition est en effet servie par une scénographie de qualité (esthétiques théâtres d’ombres chinoises) et de nombreux tableaux de maître visibles, c’est rare, de très près jusqu’à pouvoir les toucher du doigt… telle La salle de billard de Chardin, toile illustrant l’amour du jeu du célèbre marquis.
Pour la petite histoire, on retiendra que le séducteur (122 maîtresses dont une religieuse) était aussi amateur d’huitres ce qui aurait pu en faire un camarade de tablée d’Apollinaire ! Infatigable voyageur, il se servait de ses bijoux comme monnaie d’échange locale, l’euro avant l’heure.
L’exposition plonge le visiteur dans l’Europe de la fin du XVIIIème siècle. On s’amusera à déchiffrer, sur la paire de portes-jarretelles brodées de l’époque, cette double inscription coquine que n’eût pas reniée le divin marquis : « Chérissez l’amour » et « Vous lui devez le jour ».