Dans l’organigramme de campagne de François Hollande, c’est à Aurélie Filippetti, députée de Moselle, qu’a échu le rôle de s’occuper de la culture et des médias. De là à la voir un jour succéder à Frédéric Mitterrand au ministère de la culture en cas de victoire de la gauche en 2012, l’hypothèse semble naturelle. Si c’était le cas, l’ancien et la nouvelle partageraient au moins un point commun : celui d’avoir écrit chacun un livre sur la douleur provoquée par la rupture sentimentale.
C’est en 1985 que Frédéric Mitterrand a publié « Lettres d’amour en Somalie », un beau livre étrange où l’auteur développe assez finement l’état de déréliction d’une nation et, en parallèle, l’abandon amoureux dont il est l’objet. Un livre rare publié aux Editions du Regard (1) et que l’on préférera à sa version poche où les photos de Diane Delahaye sont bien moins mises en valeur ce qui est dommage.
C’est en 2006 que Aurélie Filippetti publie de son côté « Un homme dans la poche », son second ouvrage littéraire. Cet homme dans la poche est le récit d’une tourmente personnelle où il est impossible de ne pas ressentir un certain vécu, à la fois sous la plume de l’auteur et sûrement chez nombre de lecteurs. Dans ce livre, une scie égoïne découpe sauvagement en tranches, page après page, ligne après ligne, les tripes, le cœur et l’âme de l’héroïne.
La voilà obligée de se purger sans autre choix possible du «poison violent» que chantait Gainsbourg. Et ce livre de toute évidence semble soigner une crise de manque sans qu’il soit bien évident qu’à la fin il ne débouche sur un solde de tout compte. Il n’y pas de quitus possible en la matière et le fameux «travail de deuil» prôné par les rubricards du genre n’est qu’un pansement illusoire.
Aurélie Filippetti ne fait pas l’impasse sur les mots pour raconter avec une précision de lecteur laser les empreintes charnelles laissées par son amant, empreintes qui ne sont plus que des plaies béantes. Cette livraison très intime, qui ne concerne que quelques passages, n’est pas dénuée de courage vu son rôle public. Ce livre est surtout la narration d’un entêtement maladif et forcément maladroit à reconquérir celui qui est parti. Ce n’est pas ici de l’amour désespéré mais de l’amour exaspéré par le manque.
La souffrance amoureuse est une thématique littéraire éculée au moins depuis la Laure de Pétrarque. Les auteurs qui s’en tirent sans saturer leur prose de poncifs sont bien moins nombreux. Aurélie Filippetti, qui fait partie de ces minoritaires, termine en l’occurrence avec goût en choisissant ces vers d’Apollinaire : « Et la septième s’exténue/une femme une rose morte/Merci que le dernier venu/Sur mon amour ferme la porte/Je ne vous ai jamais connue (Les sept épées). »
Post-scriptum : au moins deux auteurs de rock ont contribué à cette «grammaire» de la souffrance amoureuse. Lou Reed qui chantait subtilement «I miss your missing» (te manquer me manque) et aussi Mick Jagger, lequel, bien plus vigoureux, chantait en substance «autrefois, j’étais sous sa coupe», «maintenant c’est elle qui l’est» (Under my thumb). Le voilà le remède !
Une notice Wikipédia sur Aurélie Filippetti.
Interview d’Aurélie Filippetti sur Daily Motion
(1) Existe aussi en documentaire
Excellent livre à garder au fond de la poche. BP
Dans l’étude de sentiments par le rock, à noter la version menace directe, celle de Blondie des débuts : One way or another (I’m gonna get you)…
Merci les Soirées De Paris dont l’éclectisme ne cesse de nous ravir..
Il y a aussi « we three » de patti Smith..
J’ai très envie de lire ce livre qui traite d’un mal universel. Mais pas par voyeurisme. Merci Philippe !
Tempted
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