Nous sommes à Hollywood, à deux ans du grand krach boursier de 1929. Le cinéma s’apprête à passer du muet au parlant, une révolution que refuse l’acteur américain alors célèbre, George Valentin. Tourné en noir et blanc, à 22 images par secondes (contre 24 habituellement) et intégralement muet, le film mis en scène par Michel Hazavanicius repose essentiellement sur les épaules de Jean Dujardin (alias George Valentin). Les seules expressions de son visage traduisent la dégringolade d’une star s’auto-déboulonnant de son piédestal pour avoir refusé le progrès.
L’acteur est méconnaissable avec ses fines moustaches à la Clark Gable et ses cheveux gominés à la Rudolf Valentino (une allusion à son nom de scène ?). Il a d’abord le sourire fat de l’homme qui ne doute pas un seul instant de son succès auprès des femmes… et de son producteur. Mais après l’échec du film ringard qu’il s’est entêté jusqu’à la ruine à produire et à tourner lui-même, voilà qu’il s’abîme dans le désespoir, l’alcool et les tentatives de suicide. Intitulé Tears of love (les larmes de l’amour), son navet sort le 25 octobre 1929… clin d’œil au jeudi noir de la finance mondiale !
Palliant l’absence de dialogues sonores, le film s’enrichit d’indications légendées humoristiques car à double sens. «Faut qu’on se parle. Pourquoi tu ne veux pas parler ?» interroge ainsi Doris, la femme de George Valentin alors qu’ils sont au bord de la rupture. Autre écrit «off» à tiroir, la remarque du commissaire priseur ponctuant la vente aux enchères des biens de l’acteur ruiné : «Vous avez de la chance, monsieur, tout est parti !».
Les quelques bruitages de ce film sans paroles ont eux aussi leur signification : la chute d’une feuille d’automne, qui vient réveiller de son «boum» le dormeur en plein cauchemar ; le «bang» d’un carambolage de voiture contre un arbre, qui se substitue à celui attendu d’une décharge de pistolet.
Bérénice Béjo joue le personnage de Peggy Miller, la jeune partenaire très Charleston du héros déchu qui parvient, quasi par inadvertance, à se hisser au firmament des vedettes du parlant. Elle tirera George Valentin du trou dans lequel son orgueil l’a plongé. On est aux USA dans les années 30, un doigt de morale et une louche d’happy end ne font pas de mal…
L’autre star du film est un petit chien cabotin du nom d’Uggy, un petit cousin de celui de Pathé Marcony qui suit partout son maître et fait le mort sur commande… à condition de le gaver de bouts de saucisses.
Rythmée ou violonée, la musique a son importance dans ce long métrage (quelques longueurs à la fin). Son rythme épouse et surtout enrichit les plans. Une musique «culte» puisque les réalisateurs de télé s’en sont déjà emparés pour sonoriser leurs animations des primaires socialistes !
Autre muse servie dans ce film, la danse. On voit un Jean Dujardin au physique plutôt enveloppé (davantage proche de Gene Kelly que de Fred Astaire) boucler impeccablement un numéro de claquettes avec sa bondissante partenaire (plus Cyd Charisse que Ginger Roger). Le film s’achève joliment sur le bruitage à l’unisson de leur double respiration rendue saccadée par l’effort.
excellent commentaire qui me donne envie de voir le film qui ne me tentait guère ,le « Chantons sous la pluie » de Donen me semblant inimitable meme si Debbie Reynold ne vaut ni Ginger ni surtout Cyd. A noter que les gags-bruitages décalquent ceux de Donen(le bruit des perles sur le corsage de la star du muet par exemple ,star dont le role est repris par Dujardin ,en beaucoup plus sympathique