Casanova «la passion de la liberté…», le programme d’automne de la BnF inspire, dans cet intitulé, les meilleurs préjugés. Grâce à l’acquisition en 2010 du manuscrit de l’histoire de sa vie, le site Mitterrand déploiera dans sa Grande galerie, une exposition à Monsieur Giacomo Casanova (né en 1725) et, dès lors qu’il s’agit de liberté, il y a lieu de s’en réjouir à l’avance. Ce sera à partir du 15 novembre.
Au contraire de Don Juan, comme le rappelle Sylvie Lisiecki dans les dernières Chroniques de la BnF, Casanova a bien existé. Ce vénitien d’origine, a d’abord brûlé sa vie par les deux bouts de la chandelle, mêlant les plaisirs de la chair et du jeu avec une seule maxime pour viatique «sequere deum», «suis (ton) dieu». Discret sur ses activités politiques, Giacomo Casanova achevé sa vie comme bibliothécaire du château de Dux en Bohème et c’est là, après un premier roman réputé raté, qu’il se décide à écrire ses mémoires afin notamment de tromper le «noir chagrin» de la vieillesse. Il y raconte ses aventures amoureuses et libertines (parfois au-delà des barrières morales actuelles) tout en décrivant la société de la fin du 18e siècle. Il s’agit donc d’une exposition potentiellement des plus intéressantes autour d’un homme qui est aussi considéré comme un grand écrivain et que son amour des jeux et plus singulièrement des jeux de hasard se trouve être à l’origine de la création en France de la loterie nationale.
Ne lâchez pas encore votre agenda ou encore «l’appli» qui gère votre emploi du temps sur votre téléphone intelligent, car un mois auparavant, le 18 octobre exactement à la BnF, c’est Boris Vian qui occupera la galerie François Premier dans une scénographie qui réunira apprend-on six tableaux peints de sa main. L’auteur bouleversant de l’Ecume des jours, qui mourra symboliquement peu d’années après avoir écrit «Le déserteur», charrie encore ses univers étranges dans nos mémoires et ce sera donc bien plaisant de le retrouver jusqu’au 15 janvier. Le snobisme dont il a fait une chanson parfaite est un bien amusant défaut, une barrière efficace contre beaucoup de désagréments existentiels, mais là, on aurait bien tort de le mépriser. C’est jusqu’au 15 janvier.
Dans le programme des réjouissances de la BnF, il faudra aussi noter pour le 8 novembre, un focus sur l’énigmatique Markus Raetz, un dessinateur et sculpteur qui «expérimente des images et des dispositifs qui mettent à l’épreuve les habitudes visuelles à travers distorsions, anamorphoses et autres inventions autour de la perspective». Jusqu’au février 2012.
En matière de perspectives justement, chaque occasion de se rendre à la bibliothèque François Mitterrand nous comble, tant le regard se sent à l’aise dans un espace parisien des plus dégagés. Depuis sa création soit dit en passant, le jardin central s’est presque complètement métamorphosé avec une végétation proprement devenue indigène, les jardiniers se contentant d’en limiter l’extension sauvage par quelques habiles coups de sécateurs. De bas en haut on le voit, cet article des Soirées de Paris, est truffé de références à la liberté. Mais c’est le vivifiant programme de la BnF qui veut ça. Comment ne pas y céder.
Post-scriptum : Ajoutons très vite (car Les Soirées de Paris vont y revenir très vite) «Terre humaine en photographies» une scénographie constituée à partir de 200 photos offertes par les éditions Plon autour de «la diversité et de la liberté de penser». Nous opinons derechef.
Casanova connaissait bien le prix de la liberté, pour avoir séjourné dans les geoles Vénitiennes..Ses écrits relatant sa vie en prison sont surprenants. Merci pour cet article du lundi, sous une météo au diapason!
Merci Chère lectrice (et chère Maryse) de ce commentaire. Il semble en effet que Casanova se soit rendu célèbre en s’évadant de la prison des Plombs à Venise quoique sa fiche Wikipédia précise que son nom ne figurait pas sur les registres d’écrou…
Merci à toi cher Philippe et à la BnF pour cette exposition mémorielle et littéraire de grande qualité à la mémoire de Casanova. Je ne regrette pas de m’y être rendue in extremis ! On la doit donc à l’acquisition – et à la très astucieuse exploitation – par la Bibliothèque François Mitterrand des quelque 3 800 pages de « L’histoire de ma vie », le manuscrit autobiographique de Casanova. L’expo est en effet servie par une scénographie de qualité (d’esthétiques théâtres d’ombres chinoises) et de nombreux tableaux de maître qu’on peut voir – c’est rare ! – de très près jusqu’à les toucher du doigt, telle La salle de billard de Chardin, toile illustrant l’amour du jeu du célèbre marquis.
Pour la petite histoire, on apprend au fil de la visite que le séducteur (122 maîtresse dont une religieuse) était aussi amateur d’huitres. Voilà qui aurait pu en faire un camarade de tablée d’Apollinaire ! On découvre aussi que Casanova se servait de ses bijoux comme d’une monnaie d’échange locale quand il voyageait. L’euro avant l’heure !
L’exposition replonge le visiteur dans l’Europe de la fin du XVIIIème siècle. On s’amusera de lire, sur la paire de porte-jarretelles brodées destinée à rappeler l’infatigable goût du voyage du marquis, cette fort coquine double inscription : « Chérissez l’amour… » sur l’une des jarretière, « …Vous lui devez le jour » sur l’autre.