C’est un petit livre à embarquer dans sa valise et à dévorer d’un trait dans l’avion ou le train. Laissez-vous emporter et guider dans son cheminement, il ne vous lâchera pas jusqu’à son épilogue. Pourtant, rien ne se passe, ou presque, dans ce second roman (prix Médicis 2006) de Sorj Chalandon qui fut journaliste à Libération de 1974 à 2007. Mais c’est justement cette immobilité, faite de lenteur calculée, qui en fait tout le charme.
L’ouvrage (Grasset 2006, désormais en Poche) parle de la mort. Il n’est pourtant pas triste. Juste un rien nostalgique. Car l’auteur nous fait partager sa foi dans les «forces de l’esprit» pour entretenir le souvenir des âmes. Il cite en exergue les très beaux vers du poète breton Hippolyte Violeau – « Au-delà du cercueil, l’âme me restera (…) Conservez avec soin tout ce que j’ai chéri ; gardez mes vers, mes fleurs, mon oiseau favori, je serai là, que rien ne change ! ».
Il évoque aussi les Lettres à Lamartine d’Alfred de Musset : «Que la mort soit son terme, il ne l’ignore pas, et marchant à la mort, il meurt à chaque pas ; il meurt dans ses amis, dans son fils, dans son père, il meurt dans ce qu’il pleure et dans ce qu’il espère ». ..
D’une écriture sobrement efficace, le journaliste-romancier qui reçut le prix Albert-Londres pour ses articles sur le procès Klaus Barbie nous fait entendre le rugissement féroce des lames de l’océan, le tic-tac de l’horloge du temps. Celle qui dit oui, qui dit non et qu’il faut remonter pour prouver qu’on existe encore. Il fait raisonner en nous sa musique et sa sensibilité.
Sorj Chalandon décrit une maison de ville en Pays de Loire (en Mayenne exactement) où les volets sont clos, où tout est silencieux. Où pourtant, chaque jour, les uns après les autres, et dans un ordre bien établi, sept amis (chiffre symbolique !) en franchissent le seuil. Chacun d’eux accomplit, tel un rite, la mission précise qui lui a été impartie. Quelle mission ? Par qui ? Pour quoi ? On ne vous le livrera pas la réponse pour laisser à l’ouvrage ce qu’il crée de suspense.
Disons qu’il est question de fraternité, de serment et de parole donnée, de gratitude et d’entraide et bien sûr d’amour et d’amitié. Autant de nobles sentiments au service de la lutte contre l’oubli de ceux que l’on a aimés. C’est beau, c’est prenant, c’est touchant.
Je retrouve avec plaisir les Soirées de Paris, grâce auxquelles je me suis plusieurs fois délectée et notamment en découvrant l’expo sur les frères Caillebotte, celle fabuleuse sur Charlotte Perriand, désormais close, la médiathèque Marguerite Duras, des films comme « Une séparation ». Et maintent je vais acheter ce petit livre. C’est très agréable de lire la présentation de Ph.Bonnet, ses critiques, celles de son équipe, car ils font si souvent mouche. On se délecte à l’avance, et ça, c’est trop bon! Merci pour ce beau travail.