La Royal Academy of Arts nous invite à redécouvrir le travail du peintre Edgar Degas, à travers sa passion pour la danse et son obsession de la représentation du mouvement. Voici un avant-goût d’une exposition unique en son genre qui révèle un Degas innovateur, expérimental, à la pointe des technologies de l’époque et extraordinairement talentueux.
“Le 19ème est incontestablement le siècle du mouvement, rappelle Richard Kendall, historien de l’art, commissaire de l’exposition Degas and the Ballet: Picturing Movement, comme en témoignent l’invention de la photographie, du cinéma… La danse pour Degas était une passion mais aussi un prétexte pour représenter le mouvement”, poursuit-il. On le distingue à peine dans la première grande salle de l’exposition. Il fait presque noir. Seules les ombres chinoises d’une danseuse qui tourne inlassablement sur une pointe éclairent l’immense pièce. D’emblée, ce petit bout de film passé en boucle donne le ton de ce qui nous attend : un voyage à la recherche de la représentation du mouvement.
La passion de la danse. Puis la découverte des premières esquisses et peintures de Degas représentant des danseuses et des petits rats de l’opéra confirment que le sujet le passionne et ne finit jamais de l’inspirer. Degas a ses entrées dans le milieu, y passe de nombreuses soirées et s’amuse à peindre ce qu’il voit depuis sa place de spectateur. Dans Le Ballet de Robert Le Diable, peint en 1871, il peint en premier plan les têtes et les nuques des autres spectateurs puis la scène avec les danseuses en mouvement, bien sûr. Le cadrage est étonnamment nouveau pour l’époque.
L’intimité des coulisses. Mais il ne s’agit pas du seul aspect novateur du travail de l’artiste. “Degas développe un côté intimiste, “backstage”, totalement précurseur parmi les artistes de son époque”, constate Richard Kendall. Le peintre nous entraîne dans les coulisses de l’opéra, les salles d’entraînement et de répétitions. Et c’est dans cet environnement où personne ne semble faire attention à sa présence qu’il semble le plus à l’aise. Degas observe ces espaces vides, derrière la scène, qui s’emplissent et se désemplissent de ballerines. Il capture leurs mouvements, leurs sempiternels échauffements mais aussi leurs moments de solitude, de joie et d’anxiété.
L’obsession du mouvement. Degas dessine, peint, sculpte, expérimente pour satisfaire sa soif de l’exploration du mouvement. Sa sculpture de bronze, La Petite Danseuse de 14 ans, attire irrésistiblement le regard. On ne peut s’empêcher d’en faire le tour encore et encore, pour, comme Degas, en observer chaque détail sous différents angles… On arrive presque à la faire tourner devant ses yeux et retrouver la sensation des ombres chinoises de la première salle. Puis on découvre la relation tardive qui lie Degas à la photographie. Bien qu’au départ suspicieux de ce nouveau médium, il finit par s’acheter un appareil photos dans les années 1890. Il pratique sur des modèles, des danseuses, bien entendu. On sent que l’artiste tâtonne : des temps d’exposition approximatifs, des manipulations chimiques hasardeuses au moment du développement conduisent à des rendus surprenants et des flous “artistiques” sans doute imprévus.
Car la précision échappe de plus en plus à Degas. Le grand artiste perd peu à peu la vue. Avant de quitter cette exposition magique où l’on passe volontiers des heures, un petit film du début du 20ème siècle nous montre un vieil homme qui marche dans la rue à Montmartre. C’est un audacieux Sacha Guitry qui avait demandé au vieil homme de le filmer dans la rue. Un clin d’oeil en mouvement à cet artiste inoubliable.
Degas à la Royal Academy of Arts du 17 septembre au 11 décembre