Il y a un petit mystère sur les risottos servis dans les restaurants. Lorsqu’ils sont servis à table 20 minutes après la commande et que l’on sait que la cuisson prend 40 minutes au minimum avec adjonction de bouillon toutes les 90 secondes, il y a forcément une technique cachée. Pré-cuisson ou concours d’un congélateur, il manque une explication.
Mais ce soir-là au Caméléon, bien aimable restaurant de la rue de Chevreuse non loin de la station Vavin et dirigé par Jean-Paul Arabian, le risotto au safran était impeccable, c’est-à-dire goûteux, crémeux et parfumé à souhait. Et à vrai dire, soustraction faite d’une mousse au chocolat poly-stratifiée un peu décevante (parce que trop ambitieuse peut-être), le dîner était réussi, confortant en cela la réputation du Caméléon.
La soupe de melon avait un avant-goût de paradis, il n’y avait rien à redire sur la tranche de foie gras de canard, pas plus que sur le cabillaud et encore moins sur le risotto mais on l’a déjà dit. Quant au nougat glacé il a ravi ses commensaux
L’endroit n’est pas précisément donné mais le service, vraiment à la hauteur, sympathique, efficace, non empesé, a facilement fait passer la pilule à 390 euros d’autant que le coup de rhum final réclamé par l’un des convives a été gentiment offert.
Les deux bouteilles de vins ont il est vrai contribué à alourdir l’addition. Nous voulions un blanc et un rouge à même d’accompagner le risotto, un choix toujours délicat. Mais l’aimable serveur nous a conseillé un Chassagne Montrachet (très belle couleur, beau déploiement aromatique dans le palais) dont le prix (89 euros) pourrait correspondre à la note que nous lui aurions donnée : 8,9. Le blanc était un Sancerre avec une belle expression fruitée conforme au standing de ses origines. L’adresse est à ne pas oublier.
Post-scriptum : Le risotto est un sujet culinaire inépuisable. On raconte que le fondateur des Soirées de Paris, Guillaume Apollinaire, avait fouetté sa compagne Marie Laurencin, pour avoir manqué ce plat qu’il ne faut jamais quitter des yeux plus d’une minute.
L’usage du fouet, mot (objet, c’est moins sûr, non?) cher au Guillaume des écrits licencieux nous rappelle à propos combien la cuisine et l’alcôve sont proches. Il faut sans doute être un peu caméléon pour passer sans trouble de l’une à l’autre en un instant.