Se retrouver face à sept portraits de Jésus représenté sous l’apparence d’un seul et même individu, de face, de profil ou de trois-quarts, tantôt recueilli les mains jointes, tantôt pensif tête baissée, tantôt étonné bouche ouverte, a quelque chose de déstabilisant. De dérangeant même… Certes, le Verbe s’est fait chair (et Dieu s’est fait homme) mais le Christ perd ici en mystère ce qu’il gagne en familiarité charnelle…
On doit à Rembrandt (et à son école) cette «série» de «Têtes du Christ», des huiles sur panneaux de dimensions quasi identiques, regroupées dans la dernière salle d’exposition que Le Louvre consacre au thème « Rembrandt et la figure du Christ ». Elles ont été inspirées par un seul modèle, un jeune barbu dont le doux visage triangulaire encadré de longs cheveux bruns séparés en leur milieu par une raie. Dans la salle, son visage apparaît comme être réfléchi par des miroirs.
On sait que, vers 1640, le peintre néerlandais, rompant avec la tradition chrétienne, voulut se démarquer de la représentation stéréotypée de Jésus pour lui substituer une image novatrice, plus proche de la réalité. C’est pour peindre sur le vif, d’après nature, et par souci de véracité historique qu’il aurait fait poser un jeune membre de la communauté juive d’Amsterdam qui servit de modèle à tout son atelier. D’où la difficulté d’attribuer certaines œuvres au maître ou à ses élèves.
L’exposition oppose (à nos yeux un peu trop schématiquement) « les » Christ en croix de Pontius-Rubens, de Jan Levens et de Jacob Backer (corps glorieux, musculeux, voire sensuels), à celui de Rembrandt, traits grossiers et dépouille misérable. On s’attardera plutôt sur cette toile célèbre du Maître, qui frappe par son audace. Elle représente le Christ en parfait contre-jour. Pour son «Souper d’Emmaüs», l’artiste eut en effet recours à une chandelle cachée pour délimiter -en ombre chinoise- la silhouette du Christ assis de profil. Peint en 1629, alors que l’artiste n’a que 23 ans, ce tableau de taille modeste saisit d’entrée le visiteur.
L’exposition rend d’un bout à l’autre hommage au talent du peintre flamand qui, d’un coup de pinceau, de plume ou de crayon, immortalise la diversité des émotions éprouvées par les personnes auxquelles Jésus s’adresse : disciples, pèlerins, Madeleine, Marthe et Marie… Sa toile intitulée «L’incrédulité de St-Thomas» exprime l’éblouissement de l’apôtre auquel le Christ fait face, tandis qu’à ses côtés, un homme chauve se montre curieux, une femme étonnée. Toute une palette de sentiments exprimés sur une seule toile !
Jusqu’au 18 juillet