C’est un film sur trois âges de la vie au travers d’épisodes douloureusement banals : une fausse couche, un divorce, l’état de dépendance.
En France, la promotion du film (« Ours d’or » au Festival de Berlin), a fait la part belle à l’actrice Leila Hatami (Simin). Mais il serait injuste d’oublier le reste de la distribution, tant sont excellents l’ensemble des acteurs.
Sur le point de divorcer de son épouse Simin qui veut le quitter parce qu’il refuse de la suivre à l’étranger avec leur fille, Nader engage Razieh, une aide soignante, pour s’occuper de son père atteint de la maladie d’Alzheimer.
Il ignore que la jeune femme (amplement voilée) est enceinte et qu’elle a accepté ce travail sans l’accord de son époux, un homme que le chômage a rendu psychologiquement irritable. Lui reprochant par la suite de s’être mal occupée de son père tombé de son lit, Nader en colère congédie puis bouscule la jeune femme qui chute dans l’escalier. Elle perd son enfant. Nader est accusé de meurtre…
Les rapports entre classes sociales (Simin est professeur, Nader employé de banque), le fonctionnement de la justice iranienne (où l’on jure sur le Coran) et les préjugés sociétaux (relations hommes-femmes) servent de toile de fond aux rapports -souvent violents- que nouent les protagonistes de ces événements dramatiques en cascade.
Tous s’estiment dans leur droit : Simin veut pour sa fille une vie autre que celle promise en Iran ; Nader entend protéger coûte que coûte la santé vulnérable de son géniteur ; Razieh se soucie d’effacer les dettes du ménage, bien qu’épouvantée à l’idée de travailler chez un homme seul (d’autant qu’elle doit changer le vieillard) ; et chez son époux, la perte du bébé exacerbe le sentiment d’être démuni de tout, méprisé par tous…
Avec intelligence, le réalisateur Asghar Farhadi fait de ces personnages des acteurs à la fois victimes et responsables de leur quotidien. N’ayant finalement que le tort d’oublier le point de vue de l’autre… Ils ne sont ni tout blancs, ni tout noirs : on n’est pas en Amérique !
Le drame se vit au travers des dialogues (en VO sous-titrée) et des regards : pupilles sombres et malicieuses de Somayeh (8 ans), la fille de l’aide-soignante qui joue avec le fauteuil roulant du papy et sa bonbonne d’oxygène pendant que sa mère travaille ; graves prunelles sévèrement cerclés de petites lunettes de Termeh (11 ans), la fille de Simin et de Nader qui s’emploie à savoir et comprendre pour tenter de rapprocher ses parents ; regard douloureux de Razieh, épuisée à la tâche et écartelée entre deux perceptions du sens du devoir ; yeux remplis de pleins d’interrogations du vieillard, souvent vides d’expression, mais pas toujours …
Le réalisateur ne prend jamais parti. Il laisse le spectateur se forger une opinion au travers des réponses à ses interrogations. Pourquoi le vieillard ne parle-t-il plus ? Est-ce en raison de l’évolution de sa maladie, ou parce que la fillette s’est amusée à faire des bulles avec sa réserve d’air ? De quoi est mort le bébé dans le ventre maternel ? Des suites de la dégringolade dans l’escalier ou d’un accident de voiture antérieur ?
Chez qui l’adolescente choisit-elle d’habiter après le divorce de ses parents, chez son père ou chez sa mère ? Le film s’achève sur ce dilemme. Les dernières images d’ «Une séparation» montrent Simin et Nader faisant les cent pas dans le couloir du tribunal, tandis que ce choix (toujours monstrueux) est proposé à leur fille par un juge plutôt compréhensif…
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