Promenade théâtrale subjective en trois actes et autant de quartiers en ce mois de juin où Paris bouge encore sur scène. Honneur aux plus jeunes spectateurs, direction Saint-Ambroise où nous attend La Fiancée du Soleil à l’Aktéon Théâtre. Y a-t-il encore des parents de jeunes bambins parisiens qui ne connaissent pas ce dynamique théâtre de poche ? Rendez-vous ici avec un petit bijou de spectacle pour enfants, ciselé dans la tradition berbère, adaptation d’un conte moderne de Mouloud Mammeri. Jeu des trois comédiens, décors, costumes, musique (chant, guitare et bendir «en direct» font merveille), tout y est pour un voyage réussi en plein désert. Car cette pièce est un véritable oasis, dont les parents aussi ressortent rassasiés. «C’était au temps où l’on prenait le temps» nous promet le narrateur, alors installons-nous, car «il était une fois au pays du sable… »
La Fiancée du Soleil, jusqu’au 3 juillet à l’Aktéon Théâtre
Traversant sans peur les époques et les continents, nous voilà pour l’Echange sur la scène du Théâtre Mouffetard en Caroline du Sud, après la Guerre de Sécession. Diable qu’allions-nous faire dans cette galère ? L’auteur, Paul Claudel (Merci de ne pas réveiller ceux qui à la simple écoute du nom de Paul Claudel se sont endormis, à moins qu’ils ne gênent le voisinage), nous parle d’amour.
Non, plutôt du manque d’amour, de ce que l’homme et la femme font pour combler le manque, car la nature ayant toujours horreur du vide et le théâtre ne supportant pas la platitude de nos vies banales, les personnages ne manquent pas d’imagination. Voici donc deux couples, le premier aussi riche que le second est pauvre, le premier aussi malveillant et manipulateur que le second est pur et banal. Face à face, les propriétaires et les gardiens du domaine. Puisque le pouvoir de l’argent ne connaît pas de limites, le riche industriel convoite son employée.
Les quatre comédiens, dont le metteur en scène Xavier Lemaire parfait en maître arrogant, servent une écriture tranchante où comme le souligne le livret «la méchanceté (répond) à la bonté» et «l’attirance et la soumission à l’argent (sont comme un) cancer de l’amour». C’est vicieux à souhait.
L’Echange, jusqu’au 3 juillet au Théâtre Mouffetard
Troisième et dernière étape de notre voyage théâtral en attendant les festivals estivaux, retour à la douceur, toujours Rive Gauche pour le théâtre et toujours aux Etats-Unis sur la scène. Au Lucernaire, on saute quelques décennies pour Love Letters, duo sans dialogues, deux monologues, ou plutôt un échange (encore, mais un vrai celui-ci) de correspondances. Ces «lettres d’amour» sont échangées au fil de six décennies par un homme et une femme qui se cherchent sans jamais s’abandonner l’un à l’autre. Ils sont proches, très proches, puis s’éloignent, se perdent de vue, se fâchent et se réconcilient.
Isa Mercure et Gilles Guillot ont mis en scène et interprètent la pièce d’Albert Gurney. Les deux comédiens sont chacun assis à un vieux pupitre en bois d’écolier. Jamais leurs regards ne se croiseront. Ils lisent la correspondance d’une vie entre Alexa et Thomas, de leur prime jeunesse à leur vieillesse. C’est un peu figé certes, n’y allez pas pour être pris dans une tornade, allez-y pour l’émotion que font passer les deux remarquables comédiens. Ils nous confient une part d’eux-mêmes sans doute, aussi vrai que sur scène chaque spectateur se retrouve toujours un peu au détour d’une confidence. C’est sincère et drôle, de l’idéalisme de l’enfance aux trahisons de l’âge adulte. C’est tendre comme Je me souviens de Georges Perec.
Well mcaaamdia nuts, how about that.