Il paraît qu’il existe sinon une secte au moins une sorte de confrérie autour du film «Le Sucre» et plus particulièrement avec ses dialogues. Si quelqu’un à table vous demande s’il y a du sucre et que vous ne lui répondez pas «chut il est caché» ou «phénomène mondial», c’est que vous ne faites pas partie du clan.
C’est ce monument mal connu du cinéma français que Gaumont a décidé le 12 avril de sortir en DVD. Ce film adapté du roman éponyme de Georges Conchon et réalisé par Jacques Rouffio, plonge un groupe de personnages dans la spéculation sur le sucre qui eut lieu au début des années 70 et qui ruina nombre de particuliers.
Puisque l’on parle de dialogues, le film pourrait s’articuler autour de seulement trois échanges ou répliques. Lorsque l’époux de la pharmacienne de Carpentras (Jean Carmet) rencontre par hasard à Paris un remisier (Gérard Depardieu) il lui dit : «et en ce moment c’est quoi ?». Et le remisier qui a déjà flairé le pigeon lui répond avec ce ton qui n’appartient qu’à Depardieu «c’est quoi-quoi ?». Le film est déjà proche de la vitesse de croisière.
Bien sûr Adrien Courtois, l’époux de la pharmacienne et aussi ex inspecteur des impôts, y laisse très rapidement sa chemise après un laps de temps ou la tonne de sucre passe de 3000 à 8000 francs puis dégringole. La fête est terminée et la deuxième réplique s’entend dans une soupente louée par Renaud d’Homécourt de la Vibraye (Depardieu). Adrien Courtois qui a acheté pour 600 tonnes de sucre, lui dit qu’au fond, il n’est pas encore perdant et sous entend qu’il pourrait encore vendre. Mais il s’entend rétorquer par Depardieu : «mais tu en connais des acheteurs aujourd’hui, des encore plus cons que toi ?». Deuxième réplique.
Un happy end se mijote pourtant car d’Homécourt le voyou a plus d’un tour dans son sac et la voix si caractéristique de Depardieu dit à Adrien Courtois sur son lit d’hôpital car il a voulu se suicider, cette voix lui dit en détachant chaque mot (troisième réplique-clé) et en accentuant le « ja » de « jamais »: «il ne faut jamais désespérer».
Ce film est une réussite qui se savoure encore parfaitement aujourd’hui. Outre Depardieu, il y a les non moins prodigieux Claude Piéplu, Michel Piccoli ou encore Roger Hanin qui sont là au meilleur de leur forme mais chaque rôle secondaire voire tertiaire contribue à un résultat sans aucune espèce de faute. Si vous ne riez jamais à le voir parlez-en à votre médecin.
La crise financière de 2007 partie des crédit « subprime » aux Etats-Unis, elle même aggravée par l’affaire Madoff quelques mois plus tard, donne un nouveau relief à ce film. Le nerf de la spéculation c’est la cupidité et le symptôme premier de la cupidité c’est l’aveuglement. L’idée que l’enrichissement n’a aucune limite et que l’on a décroché le bon tuyau est une connerie sans fin dont la prochaine est en cours de maturation.
Si l’actualité permet effectivement de reconsidérer Le Sucre, il n’en reste pas moins un film délectable dans l’absolu. Pour lui garder toute sa fraîcheur cependant, il est meilleur de respecter disons un intervalle de un an entre chaque visionnage. Et dans un groupe qui commence un échange de répliques culte, faites celui qui ne l’a jamais vu. C’est un conseil si vous ne voulez pas êtes frappé du syndrome Tontons Flingueurs, titre phare des soirées karaoké que la télé inflige à répétition.
merci cela donne envie et cela fait sourire dès le matin, merci et bonne journée
Ah ! Ah ! Voilà un article qui m’a furieusement donné envie de voir ce film !!
Vous auriez tort de vous en priver effectivement. Merci de votre commentaire. PHB
Formidable ! Merci Philippe et bravo pour les Soirées de Paris, j’y viens souvent et j’apprécie beaucoup. A bientôt,
Lucas
Merci de ta fidélité cher ami, cela me touche beaucoup. A bientôt j’espère. PHB
dans le genre film culte il serait intéressant de deterrer le film de Tchernia, » la gueule de l’autre « qui donne à Serrault son plus grand role comique à mon sens, avec à ses cotés l’ineffable Poiret .Alors oui le « Sucre »est à classer parmi les petits miracles d’un cinéma jubilatoire aux cotés des » galettes de Pont aven » du « singe en hiver »ou de la
« gueule de l’autre »
Merci de la suggestion, je la note. PHB
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« Kerbaoui, il en prend ! », dans la bouche de Roger Hanin en hystérique de la corbeille, ou encore « Un p’tit sou, encore un p’tit sou » dans celle de Piccoli, spéculateur cynique… Ce film très grinçant ne prend pas une ride, même si la corbeille est désormais reléguée au musée du Palais Brongniard !
(eh oui, je fais partie du fameux clan que vous évoquez en début d’article)