Accablée par son mari que l’alcool a rétrogradé au rang de primate agressif, la fermière Rose Mayer finit par le tuer. Elle jette et brûle peu après la photo de son mariage et l’on mesure la distance qui sépare un jour heureux de ceux où il l’arrache de son lit par les cheveux pour mieux lui donner des coups de pied.
Pour son nouveau film Où va la nuit, Martin Provost a de nouveau recruté, après Séraphine, Yolande Moreau. L’actrice apporte son jeu discret dans un film qu’elle personnalise à fond, même dans le séquences où elle est absente. En partenaire de Depardieu dans Mammuth, elle pouvait coexister avec une autre stature. Dans Où va la nuit, seule stature du casting, sa présence s’impose donc dans chaque plan malgré un jeu tout en retenue, aux frontières du métrage muet. Il faut additionner les partitions des autres acteurs, Pierre Moure, Edith Scob et Jan Hammenecker, excellents chacun dans leur rôle, pour lui faire pièce.
Où va la nuit n’est pas un film facile. Le scénario conduit le personnage principal du malheur au malheur mais ce n’est ni ennuyeux ni insupportable. La bonne idée est d’avoir transplanté une fermière traditionnelle dont on se doute bien qu’elle ignore jusqu’au mot « bio », une vraie bouseuse quoi, dans l’univers branché de Bruxelles où elle rejoint son fils qui y vit en couple avec un autre garçon. Il lui fait goûter des sushis, la mécanique du contraste s’enclenche et lance la deuxième partie du film.
Un crime est un crime, même justifié par des circonstances dites atténuantes. Rose Mayer est donc poursuivie scène après scène par ce meurtre dont elle est l’auteur. La fuite, au départ envisageable, se transforme inexorablement en souricière. Chaque personnage est l’accompagnateur plus ou moins volontaire de cette traque.
Parmi les rares pauses offertes au spectateur figurent deux scènes de Rose Mayer dans son bain. Elle joue avec la mousse entre les doigts de ses mains. Ni mari, ni fils, ni flics ne sont là, dans ces deux moments, pour lui mettre la pression. Il y a quelques séquences dans le film, tout comme dans la vie, où le mot répit prend tout son sens. N’allez pas voir Où va la nuit pour vous détendre.