Pour Albert Chouraqui, c’est «sous la plage, les pavés». Au sable de son enfance à Alger ont en effet succédé les rues de Paris. Décolonisation oblige, sa famille juive algérienne a traversé la mer pour retrouver les «Français de France».
Mais le petit Albert, enfant des années 50, n’a jamais vraiment quitté la terre de ses parents. Aujourd’hui, maintenant qu’ils sont partis pour de bon, et à l’occasion du décès de sa mère, Albert se souvient, et nous emporte dans ses valises pour ce voyage du retour imaginaire vers l’insouciance d’une période baignée par le soleil algérien.
Un soleil qui ne s’est jamais couché pour lui. Son personnage d’ «aujourd’hui» tourne sur la scène du Lucernaire tel un fantôme autour de sa famille «française d’Algérie». Avec lui, nous sommes témoins d’une guerre qui ne dit pas son nom, du départ pour la Métropole des amis qui un à un abandonnent la partie.
Il y a la mère, Aimée, pour qui «le bonheur est obligatoire», le père, Gaston, qui ne pense qu’à ses disques de jazz sans doute pour s’isoler du chaos ambiant. Et puis « Spirit», ce super-héros de bande dessinée qui restera l’ami fidèle, tout comme Leïla la musulmane à qui il n’aura pas le temps de dire « Adieu ». Ou encore Arlette l’institutrice, venue en Algérie pétrie de bons sentiments d’éducation républicaine.
Le tout nous est présenté avec retenue et justesse, la pièce est nostalgique mais jamais triste, émouvante toujours. L’auteur et metteur en scène Jacques Hadjaje nous épargne les clichés, le bruit et le sang, il ne dénonce ni n’acclame le processus d’indépendance. Il y a simplement une famille qui subit, on nous la présente sans apitoiement. «Jusqu’au bout, ils ont voulu croire que la vérité – leur vérité – était belle» nous concède l’auteur, pour qui dans un tel drame «il est impossible de démêler le vrai du faux». Car «chacun, à l’intérieur de chaque camp, détient sa part de vérité».
Et tous les comédiens sont à la hauteur de ce récit, de cette leçon d’histoire à hauteur d’hommes.
Byam, pour Robert Abecassis, au paradis des musiciens.
Dis-leur que la vérité est belle, au Lucernaire, jusqu’au 30 juillet