“Beat the champ” est le nom de l’exposition de l’artiste américain Cory Arcangel au Barbican. Mais battre le champion aux jeux vidéos exposés est peine perdue . Ils sont programmés pour perdre. Bienvenue dans une salle de jeux où échouer est la seule option.
« Je déteste les jeux vidéos”, déclare Cory Arcangel avec une légère pointe de mépris dans sa voix. Et pourtant, cet artiste américain multimédia basé à Brooklyn, en a passé des heures à manipuler des manettes, tripoter des consoles et s’abîmer les yeux devant des écrans. Pas pour jouer mais pour les pirater et les détourner de leur mission originelle.
Car Cory n’est pas seulement un artiste, c’est aussi un hacker, un programmateur, un nerd. Il veut comprendre le fonctionnement des systèmes pour mieux se les accaparer. Mais s’il déteste autant les jeux vidéos, pourquoi en faire les clous du spectacle de sa nouvelle exposition au Barbican ? “Justement, j’ai programmé toutes les consoles pour que les jeux échouent systématiquement”, explique-t-il.
Et le résultat est étonnant : Le fonds comme la forme surprennent. A l’entrée de cette salle courbe – qui d’ailleurs se prête idéalement à la succession d’écrans -, 14 consoles de jeux vidéos sont alignées de la plus récente à la plus ancienne (années 70). Chacune d’entre elles est connectée à un écran sur lequel est projeté une partie de bowling. Selon les époques, la partie de bowling est bien entendue différente et plus ou moins élaborée. Le seul point commun : les joueurs perdent, en continu, les uns à côtés des autres. Un échec en boucle.
L’enfilade des écrans, rendue d’autant plus surréaliste par la forme courbe de la galerie, ainsi que les mélanges de sons qui accompagnent et ponctuent l’échec donnent une impression de convergence vers l’infini, d’échec à l’infini. “Ce qui me fascine, c’est la façon dont les personnages sont représentés quand ils perdent. Ils ont des mimiques, des attitudes comme si perdre était une honte et une catastrophe insurmontables !”, poursuit-il planté devant son écran favori.
Avec “Beat The Champ”, Cory Arcangel réussit une belle mise en abyme des jeux vidéos et un véritable détournement des salles de jeux des parcs d’attraction. Son exposition – rien que par son titre – est un pied de nez à l’Amérique des winners et au fameux slogan de la NASA : “Failure is not an option”. Dans la salle Curve du Barbican, c’est tout le contraire : l’échec est la seule option.