Il s’agit de deux tabourets, l’un à l’endroit l’autre à l’envers, cela s’intitule «Homme et femme dans la nuit» et c’est censé dégager selon le petit dépliant de l’exposition «Miro sculpteur», «une formidable tension érotique». La scénographie autour des œuvres sculptées de l’artiste vaut beaucoup mieux. S’il est difficile d’approuver, qu’avec ses sculptures Miro a voulu selon ses propres termes, «assassiner la peinture», il n’en reste pas moins vrai que son travail vaut le détour et que sa vision, notamment des femmes, pique la curiosité.
L’une des caractéristiques de l’étiquetage de ses réalisations est que la plupart des temps, les représentations féminines sont nommées «femme» et que dans le cas contraire, il s’agit de «personnages». Mais les femmes sont dominantes, identifiables entre autres possibilités à leurs seins qui ressemblent à des fruits flétris par le dessèchement et l’abandon. Pour l’esthétisme et la séduction, il faudra repasser.
En revanche l’étonnement est présent partout comme devant la figure emblématique de l’exposition, la «jeune fille s’évadant» (1968) présentée sans rire comme figurant «l’éternelle jeunesse» et un «hymne à la vie». Des commentaires qui ont l’insigne vertu d’accroître notre capacité à réagir. Oui en ce sens, «Miro sculpteur» ne laisse pas indifférent.
Un rien fétichiste, le terme pourrait faire bondir ou s’esclaffer un critique d’art averti, Miro se sert beaucoup des souliers féminins pour créer ses femmes. Mais il convient de dépasser les appellations voulues par l’artiste pour finalement apprécier la sculpture en elle-même tout à fait digne d’intérêt voire d’admiration lorsque l’on se borne à considérer la simple occupation spatiale de l’œuvre.
Avec une exception si l’on considère le détail d’un de ses bronzes, soit une chaussure percée de deux trous qui fait que cette fois un visage apparaît tel un fantôme cauchemardesque, comme une succube à large bouche exprimant un certain effroi. Quelle vision étonnante tout de même de la gent féminine, si on ajoute aussi un cageot surmonté d’un œuf, et tout aussi invraisemblablement baptisé «femme». Le contraste sera d’autant plus fort lorsque l’on achèvera le parcours sur les peintures de l’exposition permanente des œuvres de Maillol, avec ses femmes lascives et érotiques qui préfigurent drôlement les calendriers Pirelli. Le parallèle est un peu scandaleux mais, c’est dit, le mal est fait.
Il y a matière à détour, répétons-le, par ce beau Musée Maillol, car les sculptures de Miro interpellent, elles semblent sorties d’un ailleurs sans références classiques, un ailleurs rendu réel grâce à lui, un monde multidimensionnel chargé d’une poésie très largement émancipée, auquel l’artiste nous offre généreusement l’accès.
Post-scriptum : Les sous-sols du Musée Maillol cèlent une bonne surprise gastronomique. On y trouve en effet un inattendu petit restaurant de cuisine méditerranéenne, La Cortigliana, ou l’on peut grignoter rapidement pour 34 euros à deux pour un plat, un dessert, une bouteille d’eau et un excellent café. Idéal pour le débriefing après « Miro sculpteur ». Ajoutons le désormais inévitable atelier pour enfants qui permet de s’en débarrasser à bon compte … C’est toujours bon à savoir.
«Miro sculpteur» du 16 mars au 31 juillet 2011, 61 rue de Grenelle 75007 Paris. Métro Rue du Bac.