Eté 1962, à Hollywood. Un maître du cinéma, au sommet de son art, a accordé à un jeune réalisateur français, pétri d’admiration, une série d’entretiens dans le but de disséquer son œuvre et d’en tirer un livre. Ce dernier constitue aujourd’hui encore une véritable bible pour les cinéphiles du Monde entier. Côté cour, Alfred Hitchcock, entre deux séances de travail sur Les Oiseaux, côté jardin, François Truffaut, en élève discipliné, bien loin d’oser le moindre des «Quatre cents coups».
Excellente nouvelle, pour les amateurs tant de théâtre que de cinéma, ces «Entretiens Hitchcock Truffaut» ont pris vie sur la scène du Lucernaire, luxuriant îlot culturel de la rue Notre-Dame des Champs. Et cette pièce, «Hitch», est un régal. N’y manque pas même une intrigue propre si «hitchcockienne» concoctée par deux auteurs inspirés, Alain Riou et Stéphane Boulan. Mais chut ! … sachez juste que pour Sir Alfred « la mort est le moment le plus enrichissant de l’existence».
La qualité du matériau de base – les entretiens – était pourtant aussi bien un superbe cadeau qu’un piège, contourné avec classe, la pièce nous tient en haleine dans le respect de la vérité historique. A ce sujet, une astuce a consisté à remplacer sur scène aux côtés des deux réalisateurs la traductrice Helen Scott, présente pendant les entretiens de 1962, par Alma, l’épouse d’Hithcock, interprétée par Patty Hannock.
Le spectateur n’assiste dès lors pas seulement au face à face attendu, et c’est tant mieux car ce troisième personnage ouvre des tiroirs secrets, concernant notamment la face cachée d’Alfred Hitchcock, par exemple ses doutes ou son insatisfaction face aux exigences du studio Universal. Et, surtout, ce subterfuge met en lumière le rôle crucial qu’a joué «Madame Hitchcock» dans la carrière de son époux. A propos du Maître, Alma nous assure qu’« il couche avec toutes ses actrices … en rêve ». Le Maître a de la répartie, qualifiant effectivement Tippi Hedren, l’actrice principale des Oiseaux, de « glaçon très chaud ».
Quant aux deux réalisateurs, c’est bien simple, on a l’impression qu’ils nous font réellement face. La ressemblance physique est troublante, tout d’abord. Mais le jeu des acteurs est aussi remarquable. Joe Sheridan nous offre un Hitchcock tour à tour débonnaire, connaisseur du travail de son interlocuteur, cynique ou malicieux. Tandis que Mathieu Bisson campe un Truffaut en plein rêve, idéaliste sur le métier de cinéaste. Quand le premier sert du «François», le second répond «Monsieur Hitchcock».
On sort finalement indemne de cette courte pièce (1h15). A moins qu’à la sortie déjà les Oiseaux nous guettent du haut des arbres du Boulevard Raspail. Prenez garde.
Hitch, Au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris 6e, jusqu’au 29 mai
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Excitant!