Le Paquebot «France» ne pourrait pas exister aujourd’hui. Le niveau de sa consommation de fuel ferait s’évanouir l’écologiste le plus indulgent. Et il était alors permis de fumer à bord, une marque d’élégance parmi d’autres, devenue inconvenante de nos jours. Le voyage inaugural eut lieu le 8 février 1962 et ce fameux bateau a fini dépecé en 2007 sur un chantier indien spécialisé. Les derniers vestiges sont dispersés aux enchères en 2008. On nous en promet un autre pour 2015, vertueux, plus petit, pouvant embarquer moins de passagers, respectueux de l’environnement. Quoiqu’il en soit, l’occasion est bonne d’aller au Musée de la Marine qui déploie sur 1000 mètres carrés une exposition à l’ex-fleuron de la marine française.
Le «France» n’était pas qu’un exploit technologique avec ses plus de trois cent mètres de long et qui pouvait traverser l’Atlantique à la vitesse d’une mobylette de l’époque. C’était aussi une affaire une de goût à la française que chaque détail, chaque vue d’ensemble s’appliquaient à souligner. C’était une gigantesque ambition de style, de la proue à la poupe en passant par les cabines, qu’elles soient estampillées « premières » ou « touristes ». Qu’il était beau ce navire iconoclaste au regard des valeurs actuelles.
Le comité d’étude pour la décoration a mobilisé 43 spécialistes chargés de marier tradition et modernité. Il est alors fait appel aux nouveaux matériaux de l’époque, vinyle, métal laqué et le fameux formica qui avait envahi, en rouge, en bleu ou en jaune la cuisine de la ménagère moderne. S’ajoute aux matières un festival de couleurs à la mode : des bleus, des oranges, des jaunes absinthe. Et l’aluminium est partout (1/3) du tonnage total, d’abord pour prémunir le bateau du danger des incendies causés par les matériaux en bois mais aussi pour le style car il habille tout : rampes d’escaliers, luminaires, meubles, balustrades et autres motifs décoratifs.
Cette exposition n’a rien oublié et chaque type de chaise ou de fauteuil sont présentés. On s’attardera aussi sur les maquettes permettant au regard de pénétrer les appartements des premières classes ou des classes touristes, ces dernières faisant plutôt envie que pitié.
Heureusement les affiches vantant les agréments d’un voyage sur le «France» n’ont pas été oubliées et on peut mesurer, à l’instar des publicités de l’époque pour les compagnies aériennes, leur formidable capacité à faire rêver dans ces années où un ticket de transport (très cher) pour une transatlantique garantissait un bonheur comparable à l’achat d’un Frigidaire ou d’une voiture neuve. Le tout pouvait s’immortaliser avec le dernier appareil photo Kodak ou la plus récente caméra Beaulieu.
Une vitrine expose aussi les objets qui faisaient office de «souvenirs» conception, un peu datée de nos jours mais ô combien touchante entre les porte-clés, les 45 tours et les magnifiques cendriers surmontés d’une cheminée du «France». Mais on ne peut rien photographier, les souvenirs d’aujourd’hui sont interdits.
Familiale, l’exposition n’a pas oublié les enfants avec des ateliers créatifs et, les noctambules pourront choisir le vendredi, pour mieux saisir la magie de cette nostalgie particulière qu’à travers ses morceaux épars, délivre encore le « France ».
Certains répugnent à faire cohabiter présent et passé. Dommage ! Au Musée de la marine, Le France d’hier (de 1962) et Le France de demain (2015) croisent – le temps d’une exposition – leur destin (le sort du second étant lié au succès de la souscription lancée par son concepteur). Permettant de mesurer les progrès de la science et les capacités de l’Homme. Vivement 2015 qu’on puisse comparer le chemin parcouru !