Il y a quelque chose d’agaçant dans la dénomination «arts premiers» comme s’il fallait mettre dans un camp à part des gens qui seraient un peu primates, des simplets, des très naïfs et d’autres qui seraient fous. L’exposition qui se déroule à la Halle Saint Pierre a beau s’intituler «sous le vent de l’art brut», le mal est dit sinon fait. Si des œuvres valent la peine d’être exposées à quoi bon les affubler d’un voile dont l’aspect réducteur à défaut d’être pudique, gêne.
Cette manifestation autour d’une partie de la collection Charlotte Zander, habituellement abritée au château de Bönnigheim en Allemagne, est digne d’intérêt mais pas d’a priori. Si l’on prend par exemple l’œuvre de Vojislav Jakic, elle est étonnante par son propos. L’artiste a peut-être travaillé sous la fumée d’un drôle de mégot avant de la réaliser mais pas sous le vent de l’art brut du moins tel que sa définition court.
Le dossier de présentation d’ailleurs, s’empresse de donner au mot un large spectre en évoquant l’art «outsider», les créateurs visionnaires, autodidactes, «la large famille des créateurs marginaux, qui ont inventé des manières révolutionnaires de penser et de peindre».
Cette collection de Charlotte Zander distingue deux grandes catégories. Parmi les 49 artistes présentés, il y aurait les «grands classiques de l’art brut» et les «maîtres incontestés de l’art naïf» ce qui, au passage, est une façon un peu rapide d’emballer Rousseau qui s’y trouve inclus.
Le mieux est encore de se laisser aller au hasard dans le circuit de l’exposition, étonnante de bout en bout, ce qui est déjà un succès. Pas mal d’œuvres relatent des visions de rêves étranges, symboliques, déchirés. D’autres sont infantiles sans que ce soit gênant, elles sont touchantes et elles établissent un fort contraste avec d’autres toiles exposées, au graphisme complexe sinon maniaque, rarement esthétiques mais littéralement impressionnantes.
De quoi débattre sans fin et c’est à la Halle Saint Pierre, métro Anvers/Abbesses jusqu’au 26 août.