Il m’est revenu en mémoire, après avoir vu le dernier film de Clint Eastwood, une phrase de Baudelaire qui disait à peu près ceci, il faut rendre justice à cet auteur, il m’aura beaucoup crétinisé !
Il faut donc rendre « justice » à ce film, il aura largement atteint ce niveau de qualification.
Aussi, hâtons nous de dédouaner l’auteur de « Mystic River » ou « Unforgiven ». Convenons que ce film n’est pas tout à fait le sien, que c’est un film de transition dans un flux de production…
« Hereafter », traite avec le sérieux d’un scientologue épanoui, de la thèse pas très fraîche mais toujours séduisante d’une forme de présence après la mort. Thèse qui tant qu’elle reste dans des limites bourgeoises ou raisonnables, «ne-mange-pas-de-pain», comme on dit, c’est à dire est toujours d’un bon retour sur investissement.
Le film est constitué, de trois histoires ayant à peu près l’épaisseur d’un spectre anorexique. Sans doute faute d’en tenir une qui soit un peu plus étoffée. Trois personnages qui seront d’une manière où d’une autre confrontés à la mort. Saperlipopette, a-t-on envie d’interjecter ! Et dont le destin sera bien évidemment de se rencontrer.
En clé de voûte de l’improbable récit, le médium, celui qui prétend avoir ses « entrées VIP » dans l’au-delà. Interprété par Matt Damon, comédien, rare, dont ne sait jamais s’il va sortir son fusil d’assaut ou dire son texte. Tant parfois, faire c’est dire. Les arguments du scénario, ici, peuvent assez facilement se trouver dans la moindre gazette éditée par votre supermarché préféré.
A savoir un bon médium est non seulement quelqu’un qui souffre mais aussi quelqu’un de désintéressé. C’est à dire un bénévole tourmenté. Par opposition, à tous ceux qui sont intéressés et payants et conséquemment ne «médiumnisent» rien du tout, sauf leur compte en banque. Une majorité en diable paraît-il ! La connexion avec «l’abonné absent», se fait simplement par imposition des mains mais reste cependant bien inférieure à la fibre optique.
Les informations transmises par le médium, le message des défunts aux vivants, sont absolument sidérantes de platitude. On se surprend à souhaiter des morts ayant quelque chose à dire ou même à espérer l’immortalité, tant la mort ne peut tout de même pas tout excuser.
Autre histoire, autre personnage, interprété par Cécile de France. Il s’agit, comme il va de soi, d’une jeune et jolie journaliste ou animatrice, on se sait plus très bien, de télévision. Vedette en pleine ascension, d’un narcissisme tel qu’elle se pâmerait presque devant les affiches publicitaires, quatre par trois dans tout Paris, la montrant avec un Blackberry , (il n’y a pas de petites économies). A ce point cornaquée par son réalisateur-amant, lui soufflant tout ce qu’elle doit dire ou faire, que le spectateur, dans un élan de générosité, a envie de la placer sous tutelle et de porter plainte séance tenante contre la chaîne (France Télévisions), pour manipulation mentale. Victime, en vacances bien méritées dans un hôtel correct, du tsunami, elle fera l’étrange expérience de passer de vie à trépas et vice versa. Ce qui est déjà une performance sémantique. Cette aventure provoquera une sorte de changement profond chez la jeune femme. Elle passera directement du monde de la télévision à celui du paranormal. Chassez le naturel…
Enfin, le troisième récit est peut-être celui qui fonctionne le mieux, même s’il présente la particularité d’être lui aussi « chargé » comme on dit d’un casier judiciaire, ou d’un personnage de Dickens. Une femme toxicomane et sans doute aussi alcoolique (!) élève seule ses deux fils, des jumeaux. Tout à leur amour maternel, ils protègent leur mère pendant ses crises et font en sorte que les services sociaux ne s’aperçoivent de rien. L’un des deux sera victime d’un accident de la route en tentant d’échapper à une bande de racketeurs. Sobrement, le scénariste arrête là les frais. Bien avant d’envisager un bombardement massif de Londres, ce qui aurait été déplacé. Son frère, placé dans une famille d’accueil pendant la cure de désintoxication de la mère, n’aura de cesse de trouver un moyen de rentrer en contact avec son double décédé. Les comédiens de cette histoire-là jouent, bien et juste.
Il est toujours remarquable d’assister à cette éternelle naïveté avec laquelle se présente cette «opinion» au sujet de la possibilité d’un au-delà. Faisant toujours fi d’une logique minimale, elle saute allègrement par dessus la loi de causalité. Ainsi tout enfant de quatre ans et moins, sait bien qu’avant de ressusciter, il faut bien, pour le moins, mourir un peu. Et bien là non ! Point du tout ! S’enchaînent la vie, l’au delà, comme si nous comptions, 1,3, et oublions sciemment le 2. Sans jamais non plus être gêné par le sens des mots ou ne serait-ce que par une Lapalissade comme, une seconde avant ma mort j’étais encore en vie. Jacques Lacan, dans une conférence, présentait le cas d’une de ses patientes qui croyait ferme elle aussi que la vie recommençait, de vie en vie, comme ça à l’infini. Il préçisait, hélas, que cela l’avait rendue complètement folle !