Il a bien fallu près de 650 pages à Keith Richards pour venir à bout de sa récente autobiographie avec l’aide de l’ancien journaliste James Fox. C’est un texte plus parlé que véritablement écrit dont on vient facilement à bout en quelques soirées. La grande qualité de ce livre vient de ce que Keith Richards ne se limite pas à lui-même mais donne une large place à ce qui l’a environné durant plusieurs années.
A travers un texte bien séquencé, un peu comme son jeu de guitare, Keith Richards raconte son enfance pauvre à Dartford dans la banlieue de Londres. Il parle de son milieu, de sa famille, il évoque son père, sa mère, ses premiers contacts avec la musique, sa première guitare, sa rencontre avec Mick Jagger.
«Life» commence cependant par un épisode judicaire dans l’Arkansas lorsque la police locale cherche à le coincer pour une affaire de drogue. Et de drogue il en est tout le temps question. Chaque ligne de «Life» est comme un rail de coke qu’il est impossible de ne pas sniffer avec…les yeux. Plus loin dans l’ouvrage, Keith Richards explique que les drogues lui ont permis de tenir, face à un succès fulgurant auquel, assez logiquement, personne n’est préparé. La drogue, jouons encore sur des mots faciles, a été la ligne de sa perpétuelle défense.
Il faut goûter «Life». L’auteur y cite un vieux proverbe anglais, «the proof of the pudding is in the eating», ce qui signifie que l’on ne peut juger de la valeur des choses qu’en les goûtant.
Les Rolling Stones… A partir d’une chanson de Muddy Waters, Rolling Stone, et de la pochette de son «best of» qui traîne par terre, il a été décidé en quelques secondes entre Mick Jagger et Keith Richards que leur formation s’appellerait Rolling Stones. Un groupe qui allait zébrer l’histoire du rock. Trois de ses piliers d’origine sont toujours là pour le faire vibrer, Mick Jagger, Charlie Watts et Keith Richards.
Le lecteur bénéficie ici de la générosité du guitariste vedette qui donne et se livre. Son livre est une caméra embarquée dans les tribulations des Rolling Stones. Leur histoire restera unique. Disques, concerts, femmes, drogues, enfants, paternité, deuils, police, justice, «Life» n’est pas le pays des Bisounours. Keith Richards fait de chacun de nous un groupie à qui est donnée la chance de suivre une tournée mondiale sur plusieurs années.
Nulle part celui qui est pourtant un authentique «guitar heroe» ne se prend pour un génie. Il se décrit comme un passionné de musique qui s’évertue à être bon ce qu’il trouve déjà pas mal. Keith Richards vit son groupe comme une famille, souffre de l’inflation qui embrase quelques années l’ego de Mick Jagger et ne cesse de parler de l’équipe, de la fratrie. Et cela bien que certains membres comme Mick Taylor ou Bill Wyman apparaissent très peu.
Paru en octobre 2010 chez Robert Laffont, «Life» ne se résume pas en quelques paragraphes. Les quelque 650 pages sont déjà une compression d’événements incessants. Keith Richards y apparaît comme une personnalité singulièrement sensible. Sa gueule et son comportement de «bad boy» il les assume, les cultive même et le style va avec. C’est toute l’histoire d’un guitariste mêlé à une aventure absolument hors normes et sans doute révolue.