C’est durant sa convalescence en 1917 que Guillaume Apollinaire invente le terme de surréaliste, d’abord en regard d’un ballet (Parade) donné par Cocteau, Picasso, Satie et Massine puis, lorsqu’il crée sa pièce Les Mamelles de Tirésias le 16 juin de la même année (mais dont l’inspiration visant à moquer les féministes de la Troisième république date de 1903).
« Apollinaire n’est pas mort, vous avez suivi un corbillard vide » écrivait Blaise Cendrars après la mort du poète. La formule n’est pas qu’une trouvaille. L’esprit comme le souffle du fondateur des Soirées sont bien là, dans l’enceinte de l’Opéra comique où se joue encore pour quelques jours (10, 12 et 13 janvier) Les Mamelles de Tirésias. Un opéra bouffe en deux actes et une musique réadaptés par Francis Poulenc en juin 1947 à l’Opéra Comique. Poulenc a connu Apollinaire et mis ses textes en musique dans les années 20, après la mort du poète en 1918 et avec l’accord de sa veuve.
Tirésias, peut-on lire dans la présentation est « cette figure mythique de devin qui vécut sept ans dans la peau d’une femme et que les dieux jugèrent seul capable d’arbitrer le dilemme suivant : qui de l’homme ou de la femme éprouve le plus de plaisir dans l’acte amoureux ? ».
N’allez pas voir Les Mamelles de Tirésias pour réfléchir mais seulement pour vous distraire avec un spectacle impeccablement produit et mis en scène par l’orchestre et les chœurs de l’Opéra de Lyon.
« Mais te voilà plate comme une punaise » entonne le mari déçu par sa femme redevenue femme mais sans ses attributs d’autrefois. Et Thérèse de lui répondre « qu’importe viens cueillir la fraise avec la fleur du bananier » ! Qui connaît Apollinaire se trouvera en terrain connu.
Les Mamelles de Tirésias sont drôles, loufoques et aussi exotiques puisque l’histoire se déroule à Zanzibar. Le texte pourfend les féministes d’une certaine époque, les femmes qui ne veulent plus faire d’enfants mais faire la guerre, qui veulent quitter les fourneaux et connaître la belle vie présumée des hommes.
« On ne fait plus d’enfants en France parce que l’on n’y fait pas assez l’amour, tout est là » disait Apollinaire qui s’y connaissait en amour mais à qui la vie ne donna pas le temps de faire des enfants.
Ne me reconnaissant aucune expertise critique sur l’opéra bouffe, je laisse à Louis Aragon, le soin d’inviter les lecteurs des Soirées de Paris à tenter leur chance d’obtenir une des dernières places disponibles :
« Je garderai toujours de cet après-midi du 24 juin 1917 le souvenir d’une gaîté antique qui me permet de présager pour l’avenir un théâtre affranchi du souci de philosopher ».
Il existe deux possibilités encore de goûter la saveur des Mamelles de Tirésias, l’aperçu vidéo ou la retransmission sur France Musique le 22 janvier 2011 à 19h05.
Post-Scriptum :
a) Les Mamelles de Tirésias sont précédées d’une soirée Dada introduite par la Jazz suite n°1-Foxtrot de Dimitri Chostakovitch (1924) et le Bœuf sur le toit, (ballet de Darius Milhaud (1920). Le tout dure une heure trente et sans arrêt. Très plaisant (l’ensemble).
b) Les hôtesses sont affublées d’une moustache peinte. Très seyantes (les moustaches).
Ping : « Il faut qu’on parle, sinon… » | Les Soirées de Paris