Il en va de la mémoire comme des images. Il est nécessaire qu’elles soient gardées. Avec égards. Et regardées. Sans quoi, elles seront perdues, anonymes victimes de l’oubli. Telle n’est pas, tout à fait, la situation de l’oeuvre de Mohamed Kouaci, ( 1922-1996 ), photographe qui a couvert notamment la révolution et les premières années de l’indépendance de l’Algérie. Ces archives, des milliers de négatifs et de tirages, ont leurs gardiennes. Gardiennes, qui luttent encore pour trouver le lieu officiel de leur conservation.« Gardiennes d’images » de Zineb Sedira, à la fois documentaire filmé et installation, est présenté au Palais de Tokyo. L’auteur tente de mettre à jour les mécanismes de la formation de la mémoire ou du récit historique. Ces fragiles rhizomes, nés du passé, dont on ne peut jamais dire s’ils fleuriront, s’ils auront un avenir.
Dans une pièce rectangulaire fermée d’un rideau noir, deux vidéos sont projetées ensemble. L’une associant des images couplées.
Noir et blanc à gauche, les archives du photographe. Des boîtes de tirages surgissent, entre autres, les visages de Boumediene, Franz Fanon, Fidel Castro ou de résistantes algériennes condamnées à mort.
Couleur à droite, l’interview de la principale gardienne de cette « histoire », Safia Kouaci, la veuve du photographe. Et ce n’est pas le moindre des talents de la vidéaste que d’avoir su « voir » la noblesse de cette vieille dame qui d’une voix douce et mesurée, évoque un demi-siècle de cette vie d’inséparables, historiquement mouvementée, qu’elle partagea avec Mohamed Kouaci.
« Je ne souhaite à personne de connaître la solitude de la vieillesse. » constate Safia, comme pour dire à quel point tout récit ou toute image demeure un acte de résistance contre l’oubli et la mort.
« Gardiennes d’images »,
Zineb Sedira,
Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson, Paris, 16ème,
Du mardi au dimanche de 12h à minuit. Jusqu’au 2 janvier 2011.