Au CENTQUATRE, le monsieur a cassé le miroir

Pour ce premier rendez-vous marquant la relance du CENTQUATRE, il y avait heureusement plus de monde que les semaines précédentes. Le lieu inauguré deux ans auparavant exprimait il y a peu une déconcertante impression d’abandon. La solide campagne de communication baptisée « attraction ! » a attiré le samedi 11 décembre une petite foule de curieux. Rassérénant si l’on veut bien se rappeler que le budget de la transformation de cet ancien local des Pompes funèbres de Paris (19e) en lieu artistique dépassait les 100 millions d’euros.Le coup d’envoi de la première performance a été donné peu après 14 heures. Elle s’intitulait « Twenty-two Less Two ».

Le « pitch », osons le mot, pour l’artiste Michelangelo Pistoletto, consistait à briser, en plusieurs morceaux, de grands miroirs muraux à l’aide d’une masse.

« Maman, le monsieur a cassé le miroir » a dit un enfant tandis qu’un autre a préféré sortir son joker et se mettre à pleurer d’abondance. Parions qu’avec l’explication donnée par l’exécuteur, ces enfants auraient quand même, eu du mal à comprendre.

Car « chaque miroir brisé devient comme une minuscule explosion galactique qui multiplie les particules de réflexion et laisse apparaître un revêtement noir semblable au vide astral qui aurait absorbé les lumières du firmament mais pourrait à tout instant en faire jaillir dans une nouvelle explosion ». C’est tout à fait clair.

La suite était du même tonneau, soit une promenade en sous-sol du CENTQUATRE, au milieu d’un labyrinthe en carton (comme un labyrinthe végétal mais en carton, donc) lui aussi très signifiant. Normalement, les labyrinthes sont fait pour rigoler mais là, non. Pour Michelangelo Pistoletto, le dédale est fait de déplacement, de confusion et de peur et par conséquent le miroir situé à son extrémité devient « la réflexion de la méditation qui oscille entre la peur et la sécurité, l’égarement, l’adéquation avec soi-même, le doute et la certitude, une ruelle sombre et une route éclairée ».

Le nouveau directeur du lieu, José-Manuel Gonçalves prévient qu’au nouveau CENTQUATRE, « on sait quand ça commence, on ne sait pas où ça s’arrête ».

Il y a quand même des choses vraiment prévues pour les enfants à commencer par un manège avec des animaux fantastiques et une garderie qui font le plein. Les adultes peuvent aussi se restaurer (il faut apprécier les rampes de néons pour tout éclairage), acheter des livres à la librairie (qui ne donne pas de sacs mais qui en vend des réutilisables pour 3 euros) ou encore acheter éthique dans une boutique de mode.

Un nouveau directeur, un budget (8 millions d’euros de subventions, jusqu’à 10 avec les recettes…) et un programme plutôt riche sont désormais en branle pour relancer une machine qui menaçait de tourner au fiasco. A noter que le calendrier des festivités (21/23 janvier) prévoit un débarquement des danseuses de New Burlesque que l’on a déjà vues au cinéma avec Mathieu Amalric : « un spectacle qui interroge les modes de production de l’identité féminine en la parodiant et en la détournant ». Un strip-tease qui questionne, quoi.

On peut aller au CENTQUATRE, c’est instructif et même distrayant, pour peu que l’on prenne un peu de recul. Et puis cela fait toujours des choses à raconter pour le dîner, que l’on soit un réactionnaire soucieux de l’utilisation de ses impôts ou un évaporé enthousiaste, un râleur raisonné, un défenseur du durable, un client du climatique, un bohème du bio-festif etc… Demandez le programme.

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