Kantor est là!

Les vraies rencontres esthétiques sont rares, mais en voilà une: elle aura lieu le 5 décembre à la Halle Saint-Pierre, et je vous prie de le noter.

Parisienne de naissance, blasée et mauvais public, j’ai rencontré Tristan Félix il y a 10 ans dans un obscur petit théâtre où nous étions assis par terre.Là, il y avait cette poétesse qui parlait dans toutes les langues, y compris en « yaourt », accompagnée d’une troupe d’objets vivants qu’elle avait appelée le Pergonicaspop. Je l’ai suivie depuis avec toujours autant de fascination.

Poésie contemporaine, que le lecteur ne se renfrogne pas à l’idée de pages blanches ponctuées de lapidaires et absconses formules par trop élitistes ou « profondes ». Tristan Félix est poète, clown, marionnettiste, cofondatrice du collectif l’Usine à Muses et de la revue littéraire La Passe. Elle incarne selon moi ce que peut être aujourd’hui la poésie : sans apprêts, drôle, terrifiante, captivante.

D’abord elle n’est pas seule, il y a les musiciens qui l’accompagnent, et surtout ses créatures : Ovaine (un best seller), qui fait se briser les miroirs quand elle pense à ses amants et enseigne aux religieuses à préparer les pets de nonne en « shorte » (sic), Gove de Crustace le Crash Clown… Comme supports à ses histoires, Tristan Felix s’entoure de marionnettes. Miracle du talent, ces assemblages de débris, fragments de terre, de marais, de trottoirs, se choisissent une langue, prennent la parole et, quelle présence (!) s’émancipent de l’artiste pour aller adresser en personne au public les remarques les plus insolentes comme les avances les plus indécentes.

Dimanche 5 décembre donc, Tristan Félix et le Petit théâtre des Pendus, ses «  inquiétants fantômes en quête de vies », rendront un hommage au dramaturge Tadeusz Kantor (Wielepole 1915-Cracovie 1990) et à son extraordinaire Théâtre de la Mort, à l’occasion des 20 ans de sa disparition. L’épisode aura lieu en « alpodish » non sous-titré et sera accompagné de la musique de Laurent Noël. On y fera la rencontre de Gantor le thanatographe à bouclettes, d’Elektre, l’ombre d’Isolde, du Soldat d’Os et de la Veuve Goudron.

Cela ne ressemble à rien d’autre et peut impressionner, mais sans jamais de complaisance dans l’émotion, dans la noirceur ni dans l’excès. Par delà l’ironie ou la cruauté qui peut émaner de ces comédiens que l’on pourrait croire sortis d’une page de Lautréamont ou d’un film de David Lynch, c’est le rire, la lumière et l’intelligence dont je garde toujours le goût après ces moments d’hallucination.

A voir

Kantor est là !

Dimanche 5 décembre, 15h00

Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, 75018, Paris

01 42 58 72 89

Métro Abbesse/Anvers

Entrée : 10 euros

 

A lire

Heurs, Dumerchez, 2003

Franchises, avec Philippe Blondeau, L’arbre, 2005

A l’Ombre des Animaux, L’Arbre, 2006

Coup Double, avec Philippe Blondeau, Corps Puce, 2009

Ovaine, Editions Hermaphrodite, 2009

 

A surfer

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