Contrairement à certaines de ses réalisations, les œuvres de Louise Bourgeois (1911-2010) exposées à la Maison de Balzac n’ont pas l’air sorties d’un cauchemar. Les « matériaux mélangés sur tissu » notamment, relèvent de la délicatesse enfantine et de l’apaisement exprimé. Cela ressemble au produit d’une enfant qui s’ennuie et qui aligne joliment quelques boutons de chemise sur un tissu bien assorti avant de disposer le tout dans un cadre. Louise Bourgeois a utilisé comme support les torchons et les mouchoirs qu’elle avait apporté de France lors de son installation aux Etats-Unis en 1938.
« I am working on a show about Eugénie Grandet for the Maison de Balzac in Paris, déclare Louise Bourgeois au Guardian Newspaper en septembre 2009, opening next november. I love that story. It could be the story of my life ».
C’est vrai que l’endroit est idéal. C’est là, dans cette maison de la rue Raynouard dans le 16e arrondissement, que Honoré de Balzac s’est caché plusieurs années pour fuir ses créanciers et abattre jusqu’à vingt heures d’écriture en une seule journée et une seule nuit. Mais c’est surtout à cause sa créature, Eugénie Grandet, une jeune fille qu’une famille s’ingénie à éteindre, que le contexte est approprié.
« Ce personnage de Balzac est la prisonnière de son père qui avait besoin d’une bonne, explicite Louise Bourgeois et d’affirmer que le destin d’Eugénie est celui d’une femme qui n’a jamais l’occasion d’être une femme ».
Ce qu’il y a de sûr, comme le racontait en 2008 le mensuel Connaissance des Arts, c’est que Louise Bourgeois a mal digéré son enfance. Sa famille voulait un garçon, sa mère meurt, la gouvernante couche avec le père qui rattrape sa fille quand elle se jette dans la Bièvre… Tout cela donne une artiste aux œuvres dérangeantes comme « spider » en 1997, une araignée de bronze et d’acier que l’artiste est réputée appeler « maman » ou cette fillette en latex sur plâtre exposée à Beaubourg en 2008, phalloïde jusqu’à la nausée.
C’est bien là l’avantage de l’exposition « Moi Eugénie Grandet », le visiteur est amené à traverser une œuvre tranquille et gracieuse que symbolise bien « Le cabinet des lettrés » soit quelques fleurs rouges simplement disposées. Exemple à côté duquel il ne faut pas omettre le portrait en rouge d’Eugénie Grandet, la gouache qui emblématise l’exposition. Seul bémol, les néons qui se reflètent avec entêtement sur les vitres protégeant les œuvres. Autant jouer avec ces reflets si on veut prendre des photos (autorisées mais sans flash).
Enfin, l’occasion est toujours bonne de se rendre à la Maison de Balzac qui sent bon la bonne vie de province avec son jardin, sa cour pavée et, sa vue sur l’hôtel de Lamballe occupé par l’ambassade de Turquie.