Rosa Bonheur versus Mimi cantine

 Il est presque inutile de présenter le Rosa Bonheur: le cortège de branchés, de noceurs de tout genre ou d’estivants curieux, qui se dessine l’été, hallucinant de longueur sur la rue Botzaris qui surplombe les  Buttes-Chaumont, est un indicateur suffisant de la renommée de ce chalet intégré au parc.

Ce que l’on sait moins c’est qu’à chaque automne, la rose des buttes se mue en restaurant : Mimi cantine. Au nom, on devine le style  néo-réfectoire-franchouillard très en vogue en ce moment. Des bancs cuir-et-bois, de grandes tables familiales garantes d’une ambiance détendue ponctuée de « passe moi le sel » au voisin inconnu, une décoration rétro kitsch colorée, quelques touches de brillance ostentatoire pour contrebalancer la rusticité du bois vieilli. Dans la salle Mimi tape juste.

Pour y accéder Mimi propose comme apéritif de se mêler aux noceurs qui ont survécu  à l’été. Le week-end, la salle du bar est comble, il faut la traverser. Le gourmet trop attentif ou sensible aux roulements de nuques, aux déhanchements collectifs peut aisément se perdre dans la ferveur hypnotique de ce brasier.

Heureusement la cuisine ouverte qui surplombe cette foule rappelle à tous qu’un restaurant se cache quelque part, « juste à droite, là-bas ». Une fois assis la température diminue, la lumière se tamise. Derrière une baie vitrée on assiste en spectateur aux manifestations d’allégresse des noctambules. Une rumeur, mélange plus que sonore de cris et de musique des années 80, accompagnera tout le repas.

Deux ardoises présentent la carte.

L’ardoise des rôtisseries du week-end est appétissante, le cochon de lait surtout, hélas chez Mimi le week-end est abrégé au seul dimanche.

Sur la seconde, le menu.

Salade de gambas aux gingembre et ail confits, potage de potimarron, caillé aux herbes, pour les entrées. Blanquette de veau, pintade à la crème, bourguignon de queue de bœuf, duo de saumon et cabillaud, pour les plats.

Les entrées sont simples, mais la réalisation est de bonne facture et les assiettes plutôt copieuses. On peut juste s’étonner qu’en ces périodes pré-polaires deux des trois entrées soient froides.

Ce n’est pas très grave, la fraîcheur des entrées est largement compensée par la chaleur du service, tout le monde ici est souriant et attentionné bien qu’un peu gauche ou débordé (ou les deux) et l’on ne peut que sourire à son tour devant ces affairements attendrissants.

Dans les assiettes, le confit d’ail des gambas couvre légèrement les saveurs du plat. Le secret avec l’ail, c’est de le blanchir plusieurs fois pour en conserver le goût tout en en atténuant la puissance, un gingembre plus relevé comblerait sans doute ce déséquilibre qui malgré tout, donne une personnalité méditerranéenne assez plaisante à cette entrée.

Le potage est tout ce qu’on attend du désormais classique « potiron et lard » velouté, parfumé d’un délicat arôme de noisettes et du fumé de lard séché émietté. Le caillé est quant à lui assez dérangeant, les herbes sont fraîches, l’appareil est crémeux, c’est doux, c’est finement acide, c’est bon, … mais c’est rouge !

C’est que les extrémités de la salle baignent toutes dans une luminosité pourpre qui bien qu’agréable noie toutes les couleurs des plats. Cela peut dérouter ; soit on s’y habitue soit on demande à déménager au centre de la salle (ce qui se fait sans trop d’encombres, après tout c’est la cantine !).

Les plats, servis dans des marmites en fontes brûlantes, sont plutôt savoureux, on y retrouve la personnalité des plats de notre enfance mais il en manque le caractère. La cuisson de la blanquette est parfaite, la viande cuite et moelleuse mais orpheline de ce goût que donne le long mijotement des légumes. On retrouve dans le bourguignon tous les éléments réunis, mais il lui manque cette acidité âpre et vineuse qui brûle légèrement la gorge. Tout est bon mais un peu trop doux, comme pour ménager les palais de souvenirs trop prégnants.

Un Crozes-Hermitage, peu tannique, accompagnera ces mets tout en douceur, minéral puis floral.

Au dessert pas d’envolée ou de coup d’éclat, comme dans toute cantine, on sert des choses simples, ganache au chocolat, blanc-manger, ou assiette de fromages affinés.

On quitte Mimi cantine avec un sentiment mitigé, le cadre est attrayant, la cuisine appétissante, mais on regrette que le concept de cantine parisienne ne soit plus abouti.

On vétille un peu, c’est sûr, mais pour 50 euros par personne il est de bon droit d’être un brin exigeant et Mimi en vaut la peine.

Le Rosa Bonheur aux Buttes-Chaumont. Photo: PHB

Le Rosa Bonheur

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