Un jour il faut bien pousser les portes du Mama Shelter, l’hôtel à la mode de la rue de Bagnolet. Certifié original du sol au plafond, branché des cendriers aux murs, le lieu dessiné par Philippe Starck tient ses promesses. Mettre un seul pied à l’intérieur, fait comprendre à celui qui ose, qu’il n’est ni au Bristol ni au Novotel. Téléchargement de l’ambiance, loaded 100% réussi.
Mais c’est bien ! La première impression surprend et c’est si rare. Cela rappelle, pour les plus que cinquantenaires qui les ont connus tout neufs, les sensations que l’on éprouvait à l’intérieur des premiers drugstores Publicis, tellement novateurs à l’époque où ils sont apparus. La surenchère dans l’audace peut payer longtemps : si l’on prend le temps d’observer, l’aéroport d’Orly, inauguré en 1961, a bien tenu le choc.
L’idée de départ étant de dîner sur la terrasse (chauffée) en surplomb de la voie ferrée, le trajet permet de jeter un œil au coin pizzeria (bonnes selon un témoin et sa fille) et sa grande table commune, puis une sorte de lounge dans une lumière qui n’autorise pas aux presbytes la lecture sans lunettes. Un consommateur est là dans un fauteuil qui lance à ses amis, verre d’alcool à la main : « nan mais faut arrêter avec la démocratie maintenant… ». C’était idiot et drôle à entendre, ce devait être un éditorialiste à la mode, un directeur artistique, un patron de PME, difficile de savoir.
Le personnel est aimable et ne vous oublie pas : on peut présumer que ce n’était pas un coup de chance. Trois verres d’un blanc sud-américain (Alamos) pour commencer, une carafe de Côte du Rhône pour accompagner un « mezze » constitué de trois entrées (banales mais chics genre céleri rémoulade ou rosette de Lyon), deux whiskys rares, deux verres de prune, deux cafés, 60 euros par personne, il n’y pas de quoi crier au vol. Parce que nous ne sommes pas au bistrot du coin.
La clientèle est jeune, disons trentenaire. L’essentiel fréquente un grand bar central qui délivre une ambiance d’anticipation, à la croisée de Blade Runner et de 2001 l’Odyssée de l’espace. A intervalles réguliers, des vagues de fumeurs envahissent bruyamment (mais c’est parfois l’idéal pour se sentir en vie dans ce quartier) la terrasse dans une atmosphère bon enfant. Avoir un briquet en évidence sur la table fait de vous quelqu’un de précieux.
Ensuite direction la chambre (palier savamment tagué), payée 95 euros, aux murs en béton brut de décoffrage. Pour ce prix rien ne manque, du bar à l’inévitable Mac mural. Une ambiance de palace spatial en deux mots.
Recommandable le Mama Shelter ? Pour une première fois certainement, après c’est à chacun d’apprécier si le dépaysement initial et intense fonctionne toujours. L’un des deux expérimentateurs du lieu en ce jour d’octobre, en a fait son point de chute à Paris.