La BD érotique avait son alibi

Les 100 plus belles planches de la BD érotique. Photo: PHB/LSDPC’est le genre de livre que l’on ne peut pas déposer au pied du sapin de Noël si les enfants font partie de la fête. Encore que ce n’est même plus si évident. Avec ses « Cent plus belles planches de la BD érotique (Beaux Arts Magazine) Vincent Bernière récidive puisqu’il avait déjà publié voici trois ans une anthologie (1) du même genre. Une veine qui va bientôt s’épuiser. En attendant, le titre de son dernier opus est inexact.

En effet, si l’objectif est de réunir les « plus belles », on se demande ce que font-là Reiser, Gimenez, Crumb ou Lauzier, géants de l’humour dessiné qui ne visaient pas particulièrement l’esthétisme. A moins que le mot « belle » ne soit évoqué ici dans une acception très extensive. En revanche l’auteur a fait de curieuses impasses en n’invitant pas par exemple Jean-Pierre Gibrat qui savait (et sait toujours) inclure dans ses histoires ce qui fait que la vie est complète. A côté de cela l’un des seigneurs du genre, Manara, dispose dans ce beau livre, de plusieurs espaces réservés. Pourquoi pas du reste car il n’est fait nulle part mention d’un objectif d’exhaustivité ni même d’objectivité. Vincent Bernière est un connaisseur et, d’évidence, il a ses favoris.

Depuis les années soixante, avec des magazines comme Lui ou Play-Boy, on enveloppait les playmates d’un substrat sociétal et intellectuel qui donnait à l’homme d’affaires un alibi possible pour se rincer l’œil à côté d’une interview d’Henry Kissinger ou équivalent.

Courbet côtoyant l'auteur Yvan Alagbé. Photo: PHB/LSDP

Courbet face à Yvan Alagbé. Photo: PHB/LSDP

Malgré notre époque ultra-tolérante, l’obscénité s’étant déplacée sur d’autres terrains, la référence culturelle étaie de son commentaire chaque planche de ce livre, édité tout comme un livre d’art. On y voit le Douanier Rousseau en raison d’une de ses toiles à caractère zoophile, Michel-Ange, Franz Kline, Le Pérugin, Foujita, Picasso, Courbet, Yves Klein ou encore Jérôme Bosch. L’allusion à la peinture se veut pertinente mais elle l’est plus encore lorsque l’auteur, image à l’appui, nous explique que parfois, les auteurs de BD sont d’anciens peintres capables de toiles très convaincantes telle « La danse du plongeoir » de Denis Frémond et surtout géniteur d’histoires assez libérées comme cet « été fripon » dont il nous est présenté une page tout en humour.

Les auteurs de bande dessinée érotique, du moins la plupart de ceux que Vincent Bernière a choisis, ont de commun avec leurs meilleurs confrères de BD traditionnelle, ce soin dans les cadrages, les encrages, les mises en scène, ce qui explique pourquoi, œuvres d’art à part entière, les planches de BD se vendent si cher aux enchères.

Mais celles-là honnêtement, pour qui possèderait l’original ou une copie, ne peuvent pas vraiment s’afficher à la maison ou au bureau sauf à signifier une volonté transgressive dont la vanité sera vite contre-productive. Ces choses-là se sont toujours épanouies cachées, c’est ainsi qu’elles existent et qu’elles s’éteignent lorsqu’on les soumet à lumière du jour.

PHB

Les 100 plus belles planches de la BD érotique. Beaux Arts Editions. Novembre 2015. 34,50 euros

(1) Relire l’article sur l’anthologie du même auteur

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