Dans sa préface aux « Lettres à Madeleine », Laurence Campa écrit que les élèves de Madeleine Pagès, en ont gardé « un lumineux souvenir ». Certains de ces enfants pris en photo juste après la seconde guerre mondiale à Saint-Cloud, ont-ils découvert un jour le lit de braises amoureux, les textes follement inspirés, que constitue le paquet de lettres et de poèmes à Madeleine écrits par Apollinaire? On peut imaginer leur stupeur, leur surprise et peut-être même leurs fous-rires rétrospectifs.
Cette photo complète, visible en fin d’article, nous a été très aimablement transmise par la famille Pagès. Il se trouve que le musée des Avelines à Saint-Cloud a lancé un appel à témoignages dans le cadre d’une soirée de lecture des lettres à Madeleine qui aura lieu le 16 mai. D’autres photos de classes seront alors visibles à ce moment-là. Un moment rare qu’il ne faudra pas manquer puisqu’il est permis de penser que des témoins seront présents.
C’est au printemps 1915 que Guillaume Apollinaire commence à écrire à Madeleine Pagès, plus de trois mois après l’avoir rencontrée et alors que sa relation avec Lou se termine. Lui est au front, elle est professeur de lettres à Oran, en Algérie. Essentiellement épistolaire, en dehors d’une permission de quinze jours, leur histoire d’amour tournera court quand l’écrivain reviendra blessé de la guerre et prendra définitivement fin en 1918 avec la mort de Guillaume Apollinaire peu avant l’armistice.
D’abord courtoises, les lettres de l’écrivain à Madeleine Pagès, seront progressivement écrites au lance-flamme. Le danger, la frustration, la faim, le manque de sommeil, la projection de fantasmes charnels exubérants, attisent incroyablement la plume de Guillaume Apollinaire. Le visage des censeurs qui ouvraient les lettres des soldats devait prendre d’intéressantes couleurs lorsqu’ils tombaient sur celles d’Apollinaire.
Sa prose comme sa poésie ne se limite pas aux choses de l’amour, mais tout de même elles y reviennent souvent, exacerbées par la distance. Avant de lui adresser le poème titré « Chant de l’horizon en Champagne », Apollinaire écrit à Madeleine, sa « belle panthère chérie » qu’il « dévore » : « nos langues passionnées irritent nos désirs jusqu’à la folie exquise ». Alors que rien ne s’est encore passé, tout est déjà consommé sinon programmé.
Et c’est bien cette Madeleine, cette panthère au « seins charmants » inspirant à l’écrivain de fameux « poèmes secrets », cette femme disparue à Antibes en 1965, qui fera cours plus tard à de jeunes élèves de Saint-Cloud. A quoi pensait-elle lorsqu’ils étaient penchés sur leur devoirs d’écriture. On peut se complaire à le deviner. Quant à ses vieux élèves, ils seront au musée des Avelines le 16 mai.
PHB
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Emouvant ces documents iconographiquess comme les lettres à Madeleine adressées par Gui. Cette passion égale celle éprouvée pour Annie Playden. Le professeur américain qui l’a retrouvée m’a envoyé quelques documents mais n’a pas songé à enregistrer sa voix. J’ai fait le pélerinage à Landor Road et ai pu voir le locataire de la modeste maison de la famille Playden. J’aimerais avoir accès aux lettres de Madeleine Pagès à Guillaume.
Bravo pour la belle biographie de Laurence Campa. Qui est Jean-Pierre Pagès?
Jean-Pierre Bodeux
vieil ami de Paul Maunoury
voir supra
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