Le filon du troisième âge dans sa veine anarchique ayant si peu été exploité en BD que le risque de tomber sur des lieux communs est faible et celui de savourer quelques bonnes trouvailles élevé. Dans leur deuxième opus mettant en scène les bientôt légendaires « Vieux fourneaux », Lupano et Cauuet ont ainsi inventé l’acte militant consistant à laisser un vieux faire sous lui en plein meeting politique…
Pierrot, Mimile, Antoine et la jeune mère Juliette, nous font la politesse de nous inviter à vivre de nouvelles aventures paradoxalement revigorantes compte tenu de l’âge des trois premiers protagonistes.
Croyant faire plaisir à Pierrot, Juliette lui expédie un paquet d’argent dont les origines remontent au premier album. Elle accompagne le colis d’un mot comprenant une signature trouvée sur Google sans se douter que le nom en question correspond à un amour réellement vécu par Pierrot en 1962. L’intrigue n’est pas toute simple mais une fois bien comprise on peut glisser avec délice de case en case et de bons mots en bons mots.
A plusieurs reprises, deux personnages s’en vont chercher une baguette à la boulangerie, une simple baguette dans un monde devenu très prétentieux. Ce qui fait que Pierrot s’entend répondre par la boulangère : « la grand siècle à la farine de meule, la câlinette, la sarmentine, la fleurimeuline du pape ? ». On en rit un peu jaune tant le normal est aujourd’hui proscrit, banni des rayons ou caché dans le meilleur des cas.
Le deuxième numéro d’une série qui commence est toujours un peu casse-gueule, c’est le premier et dernier virage avant, on l’espère pour les auteurs, une longue ligne droite. Et c’est passé. Ceux qui ont lu le premier s’apercevront avec bonheur qu’un lien de familiarité s’est créé avec les quatre héros. L’album « clivant » cependant beaucoup à l’extrême gauche, il n’est pas sûr que l’histoire séduise tout le monde.
On y compte de nombreuses pages pour tout public et l’on se réjouira de ce passage sorti de l’imagination féconde des deux auteurs ou quelques gamins expérimentent un pacifique « canon à moutons » sous les yeux d’une Juliette éberluée. Trouvaille après trouvaille, pas moyen de s’ennuyer.
Mais le meilleur reste l’invention très conceptuelle de « l’attentat gériatrique » consistant à convoquer tous les vieux disponibles dans un endroit hyper branché de façon à convaincre le patron de baisser jusqu’à un niveau supportable pour le voisinage, le volume de la sono. Une bonne idée à creuser et comme le dit non sans ambiguïté un des personnages secondaires : « le vieux est l’ennemi du bien ».
C’est l’idée de résistance qui finalement s’impose en deux albums (Dargaud) et que l’on retrouvera probablement dans le troisième. Il est en effet nulle part marqué que l’âge oblige à s’effacer et la bande des Vieux Fourneaux est là pour nous le rappeler.
Voilà qui donne envie de s’offrir l’album pendant qu’il est encore temps. A l’orée du quatrième âge…
Attention, « canon à moutons », peut être, mais apparemment, le mouton a apprécié et il en redemande.
Les auteurs n’allaient pas se mettre à dos la SPA, en plus de l’UMP.