Sobrement intitulée « La Banque », la BD signée Boisserie-Guillaume-Maffre, fait mouche en démarrant au début du 19e siècle en plein essor de la famille Rothschild laquelle n’avait pas encore sa particule. A partir d’un sujet a priori austère, les auteurs ont réussi à mettre en scène l’aventure d’une certaine spéculation dont les Rothschild avaient anticipé la modernité.
Bien vieille histoire que celle de la finance en l’occurrence que l’on pourrait faire remonter jusqu’au code d’Hammurabi soit près de 2000 ans avant jusqu’à Jésus-Christ. Cette stèle babylonienne visible au Louvre affiche entre autres choses les premiers préceptes de la régulation du crédit.
Cette brillante BD ne remonte pas si loin. Elle met en effet l’accent sur ce trait de génie des Rothschild qui avaient compris avant tout le monde la valeur de l’information comme préalable à un investissement. Cette histoire épique met notamment en avant comment Nathan de Rothschild se servait de pigeons voyageurs pour être au courant avant les autres investisseurs londoniens des victoires et défaites de l’armée napoléonienne.
L’intrigue mêle en son centre les tribulations de jeunes nobles, Français, ruinés, chassés par la Révolution, méprisés par les Anglais, et qui vont tenter de se refaire après avoir compris le modèle spéculatif des Rothschild. Une bonne dose de cupidité, quelques zestes de désirs charnels et de dépit amoureux, un crime, viennent pimenter comme il faut cet album bien né et aussi bien documenté.
Aujourd’hui encore, l’information est une vertu cardinale pour qui veut gagner de l’argent. On n’imagine pas les moyens déployés, chez les acteurs des matières premières par exemple, pour disposer de la bonne information bien avant qu’elle ne se retrouve dans les journaux, quand on la retrouve. Des jeux de dupes se cachent bien souvent derrière la version officielle d’une actualité qui sera servie sur mesure aux gogos. La communication est devenue le paravent de toutes les manœuvres.
Pour ceux qui ne sont pas familiers du monde de la finance, cette BD est un moyen bien agréable de s’y frotter comme l’avait fait dans les années soixante dix l’immortel film « Le Sucre » (1).
Le premier volet de cette aventure bien conçue ne comporte que deux frustrations, celle de devoir attendre la suite justement, le tome 2 annoncé tout à la fin et aussi, de ne pas savoir comment se faire happer soi-même dans l’enrichissement sans fin. La prudence sera de s’en tenir aux émotions par procuration que délivre cette BD. Un investissement pour le plaisir à 13,99 euros. Chez Dargaud.
(1) Le sucre