Tiens encore une équipée en Italie avec des histoires d’héritage à la clé (1). Vers la fin des années cinquante deux frères quittent la France à bord d’une Fiat 500 afin de ramener dans la péninsule une urne pleine des cendres de leur père. Sorti chez Delcourt dans la collection Mirages, « Come Prima » fait honneur à la belle bande dessinée, savamment scénarisée, cadrée, colorisée.
Pas étonnant que cette BD ait obtenu le prix du meilleur album à Angoulême. La qualité de son graphisme comme de ses dialogues sert sans bavure aucune un scénario bien calé.
Ce qui frappe lorsque l’on a cet album en main, avant de rentrer dans l’histoire donc, c’est son épaisseur, sa pagination. Quand un album d’Astérix fait une cinquantaine de pages, celui-là dépasse hardiment les 200. Cela permet notamment à son auteur, Alfred, de déconcentrer les dialogues et d’offrir parfois à son histoire, cinq pages d’affilée sans bulles. Et cela fonctionne quand même, dans le silence et comme au cinéma. Le cerveau se repose et cela lui permet de mieux aborder la multiplication des répliques qui interviennent par ailleurs.
Avec les auteurs de cet acabit, la BD confirme ses possibilités d’organiser des histoires littéralement peintes. Le soin apporté dans l’organisation des couleurs et plus largement dans la mise en scène nous fait mieux comprendre comment certaines planches s’arrachent aux enchères à des prix élevés.
Dans « Come Prima », il y a en outre l’insertion de pages faites pour conduire le lecteur dans des séquences flash back. Pour marquer cette discontinuité, Alfred a totalement changé la proposition graphique. Il ne joue plus que sur deux ou trois couleurs, son trait est peint, il troque probablement la plume pour le pinceau et chaque image vaudrait bien tableau ou à tout le moins une affiche de haute volée.
La maîtrise de son histoire lui permet tous les traitements, toutes les sorties de route contrôlées, un peu comme le faisait Hugo Pratt qui offrait à ses personnages des laps temporels dans l’univers du songe.
Ainsi l’un des protagonistes de Come Prima rejoignant son ancienne fiancée qui la retrouve en train de pendre des draps. Et de draps en draps et de bulles en bulles, le dialogue va jusqu’à se dissoudre dans un blanc presque total. Une quasi-abstraction qui dure comme un bref moment d’apesanteur et qui nous fait comprendre que l’auteur nous emmène comme il le veut là où il l’entend.
Cette histoire marche enfin parce que l’on a tous un proche avec le quel il faudrait partir un jour à la recherche d’un autre proche tout en croisant sur le chemin toutes sortes de personnages secondaires qui balisent le diaporama. Come Prima c’est ainsi, comme dans les rêves que l’on voudrait se rappeler le matin en se réveillant, sauf que celui-là on peut le refaire.
Come Prima chez Delcourt/Mirages 25,50 euros.
De proche en proche, on partirait tous en Italie…