Trente ans, trente œuvres majeures et les créations numériques de Miguel Chevalier, voilà la combinaison événementielle du Musée Maurice Denis pour marquer son anniversaire. Se rendre à Saint-Germain-en-Laye est toujours un plaisir. Sauf incident voyageur ou bagage abandonné, on y est entre vingt ou trente minutes selon le lieu de départ de la capitale. Ensuite, il suffit de prendre la rue au pain, de marcher une dizaine de minutes, pour se retrouver face à cet ancien hôpital royal construit à la fin du 17e siècle. Suite à une donation de la famille Denis en 1976, la vocation du musée depuis son ouverture en 1980, est d’agglomérer autour des œuvres du peintre décédé en 1943, « une collection d’artistes symbolistes, nabis, post-impressionnistes et du groupe de Pont-Aven liés aux mouvements d’avant-garde de la fin du 19e siècle et début 20e ». Soit des peintres tels que Pierre Bonnard, Odilon Redon, Paul Ranson, Edouard Vuillard, Paul Sérusier et également Gauguin lequel, d’une manière générale, les domine tous d’un bon cran.
Ce que cette exposition spéciale produit de mieux ? De l’étonnement, même si on se laisse aussi séduire par l’expression décorative au sens noble de l’épithète. Les interventions de Miguel Chevalier, au risque de peiner, n’étaient pas nécessaires. La trouvaille additionnelle s’avère contreproductive. Ainsi ses « fractal flowers » sont censées « dialoguer » avec les « fleurs étranges » d’Odilon Redon. Elles les escamotent. Dommage ! Mais les installations virtuelles de Miguel Chevalier qui se foulent au pied ou jouent les nuages colorés dans la chapelle, « amusent les enfants », selon une remarque entendue sur place.
Le déplacement vaut nonobstant les 3,80 euros d’un trajet Paris Saint-Germain-en-Laye. Pour le « Rond-Point des Champs-Elysées » par Louis Anquetin (1861-1932) et les regards gavés d’atropine (à moins qu’il ne s’agisse d’œillères) de sa paire de chevaux. Pour le portrait de « Madame Ranson au chat » par Maurice Denis qui fait dans la belle affiche sans que cela ne soit, loin de là, une critique. Pour la série de dix panneaux sur « l’éternel printemps » par Maurice Denis encore, qui fait que l’on s’interroge sur les rêves idéalisants que pouvait faire l’artiste dans son sommeil. Pour son éblouissante « plage au bonnet rouge » à Perros-Guirec ou enfin pour son autoportrait pénétrant.
Quant à la chapelle, c’est une parenthèse à elle toute seule. Les projections de Miguel Chevalier, braquées sur le plafond, ne permettent pas de tout voir, mais le talent purement décoratif de Maurice Denis donne là sa pleine mesure. Dès l’acquisition de l’ancien hôpital royal en 1914, le peintre a voulu rendre la chapelle au culte et il en confie la restauration à l’architecte Auguste Perret. Elle a été achevée en 1928. Une seule messe par an y est célébrée au mois de novembre, c’est la messe des artistes.
Pour l’anecdote et puisque Piet Mondrian est en ce moment à Beaubourg, on pourra s’attarder quelques minutes ou quelques secondes devant les « femmes dans un bois » une huile sur papier collé sur carton réalisée vers 1907-1909. Il sera permis d’en déduire que l’incontestablement grand Mondrian a bien fait de se réaliser plus tard dans l’abstraction de ses compositions géométriques.
Odilon Redon, Théo Van Rysselberghe, Paul Sérusier, Paul Ranson, Paul Gauguin et les autres vous convient autour de Maurice Denis dans son ancienne maison et son vaste jardin qui descend en gradins : décliner l’invitation reviendrait à bouder une époque et des acteurs ayant apporté leur quote-part aux origines de l’art moderne.